Les lieux de mémoire

Depuis l’Antiquité, la mémoire collective honore les citoyens ayant participé à des actes exemplaires. En France, l’élévation de monuments commémoratifs prend de l’ampleur au moment de la Révolution française et se généralise après la première guerre mondiale. En effet, l’importance des pertes humaines se traduit par une volonté d’ériger des monuments rappelant le sacrifice de la Commune et de la Nation. Ces gestes de commémoration sont à l’initiative municipale, départementale, associative... De la simple plaque au monument signé d’un artiste local, en passant par les stèles, les sites choisis se situent souvent sur des lieux de passage : gare, place, école... À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les lieux commémoratifs se multiplient pour honorer les déportés, les résistants, les combattants etc.

Les monuments commémoratifs

Colonne et plaque commémorative de la catastrophe de la Basse-Chaîne

En avril 1850, 730 combattants du 11e régiment d’infanterie légère, emmenés par le lieutenant-colonel Simonet, font escale à Angers avant de se rendre à Marseille et d’embarquer pour l’Afrique. Le 16, ils empruntent, par mauvais temps, le pont suspendu de la Basse-Chaîne dont les câbles cèdent sous le poids du régiment. Cette catastrophe coûte la vie à 225 soldats qui périssent dans la Maine. En 1853, une colonne funéraire, couronnée d’un chapiteau corinthien et terminée par une couronne tressée, est élevée au cimetière de l'Est en hommage aux victimes. Une plaque commémorative est posée au niveau du pont.

Monument aux morts de la guerre 1914-1918

Erigé en 1922 à l’entrée du jardin du Mail, ce monument en bronze a été déplacé en 1988 devant le palais de justice, place du Général-Leclerc. Cette œuvre de l’artiste angevin Jules Desbois, assisté du sculpteur Henri Grégoire, a nécessité trois ans et demi de travail. Les auteurs ont choisi de rendre hommage aux victimes de la Grande Guerre plutôt que de faire l’apologie du combat. Le monument se compose d’un groupe sculpté de trois personnages : une mère, habillée d’une coiffe angevine, tenant son fils mort au combat dans ses bras, à la façon d’une pietà, sous le regard d’une Victoire ailée flottant dans les airs. Sur le socle, en forme de colonne cannelée, se lit l’inscription : « À la gloire des enfants d’Angers et de l’Anjou, combattants de la Grande Guerre 1914-1918 ». De nos jours, ce monument honore l’ensemble des personnes décédées lors des conflits internationaux.

Monument des fusillés de Belle-Beille

Entre 1942 et 1944, une soixantaine de résistants sont condamnés et fusillés par l’ennemi sur le site du champ de tir de Belle-Beille. Dès 1950, le projet de réaliser un monument à leur mémoire sur le lieu des exécutions est approuvé par le Président du Conseil. La stèle en schiste brut proposée par l’artiste angevin René Guilleux est choisie pour sa simplicité, sa sobriété et son intégration dans le paysage. Elle représente un homme en vêtement de travail, torse nu et mains liées affrontant la mort sans bandeau sur les yeux. Il symbolise la Résistance opprimée et martyrisée par l’ennemi. Lors de l’inauguration, le 28 septembre 1952, de la terre recueillie dans les camps de concentration est déposée au pied du monument. Depuis 2013, une plaque rappelle le nom des hommes exécutés.

Monument commémoratif de la Résistance

Un second lieu de commémoration de la Résistance est élevé en 1993 : une statue de Jean Moulin surplombant la Maine au pied du lycée éponyme. Cette sculpture monumentale en bronze, de 4,40 mètres, est réalisée par François Cacheux. Elle représente le résistant debout en mouvement, le regard tourné vers l’horizon. Il est reconnaissable à sa tenue, vêtu d’un long manteau, un chapeau mou et une écharpe. Il incarne la victoire de la Résistance et la fierté des résistants de combattre pour une juste cause.

Monument commémorant l'aviation

Cette œuvre, à la gloire de l’aviation, réalisée par l’architecte Henri Jamard à la demande de l’aéroclub de l’Ouest est inaugurée en 1939. Il s’agit d’un monument qui honore les prémices de l’aviation en Anjou, au début du XXe siècle. Installé à l’origine devant l’école de pilotage construite en 1938-1939, actuelle maison de l’architecture des territoires et des paysages, il est déplacé de quelques mètres le long de la ligne de tramway. Deux ailes stylisées en béton moulé symbolisent l’aviation tandis que le casque et les lunettes représentent le corps de l’aviateur.

  • 1 - La plaque commémorative de la catastrophe du pont de la Basse-Chaîne
  • 2 - La colonne commémorative de la catastrophe du pont de la Basse-Chaîne
  • 3 - Le monument aux morts de la guerre 1914-1918
  • 4 - Le monument des fusillés de Belle-Beille
  • 5 - Le monument commémoratif de la Résistance
  • 6 - Le monument commémoratif de l’aviation
  • 7 - La stèle commémorative de la Voie sacrée
  • 8 - Les bornes de la Libération
  • 9 - Le pont de Pruniers
  • 10 - La plaque commémorative de la déportation
  • 11 - Le carré militaire
  • 12 - Le carré militaire 1914-1918
  • 13 - Le carré militaire dit Kabyle 1914-1918
  • 14 - La stèle de Maurice Tardat
  • 15 - Le monument pour les enseignantes déportées du lycée Joachim-du-Bellay
  • 16 - La plaque commémorative de la déportation de Juifs
  • 17 - Le monument commémoratif à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres
  • 18 - Le monument aux morts 1870-1871
  • 19 - La plaque commémorative de l’amicale laïque Paul-Bert

Les bornes commémoratives

Borne commémorant la Voie sacrée

La Voie sacrée désigne la route reliant Barle-Duc à Verdun. Durant la première guerre mondiale, surtout en 1916, elle constituait l’artère vitale pour alimenter le front. Afin de conserver le souvenir de ces terribles batailles, dès 1922, des bornes sont disposées le long de cette voie. Par la suite, plusieurs communes de France décident d’en implanter des copies. Celle d’Angers, en marbre blanc et rose a été érigée en 1976. Elle reprend le modèle classique: une borne kilométrique surmontée d’un casque de poilu, flanquée d’une palme symbole de la Victoire.

Borne de la Libération

De Sainte-Mère-L’Église en Normandie à Bastogne au Luxembourg, 1 146 bornes jalonnent l’un des itinéraires de la Libération : celui emprunté par la 3e armée américaine conduite par le général Patton seulement en 54 jours. Le modèle d’origine de la borne, en ciment rose  d’environ 1 mètre de hauteur, est conçu par le sculpteur François Cogné. À la base, une flamme sortant de l’eau évoque la Liberté. Dans la partie haute, 48 étoiles à cinq branches font écho au drapeau américain. À Angers, 10 bornes ont été installées. Elles portent la date du 10 août 1944, jour de la Libération de la ville par l’armée de Patton.

Les plaques

Le pont de Pruniers

Le 8 août 1944, la 5e division d’infanterie de l’armée américaine traverse la Maine pour libérer Angers. C’est grâce à plusieurs jeunes résistants angevins, dont Louis Bordier, que les alliés empruntent le seul pont non détruit par les forces allemandes, la passerelle ferroviaire du Petit Anjou à Pruniers. Aujourd’hui lieu de promenade, une plaque rend hommage aux troupes victorieuses et la place qui précède honore le résistant Louis Bordier.

Plaques commémoratives de la Déportation

Dans le hall de la gare Saint-Laud, deux plaques mentionnent les événements effroyables de la Seconde Guerre mondiale. La première rend hommage aux Angevins déportés de 1942 à 1944 vers les camps de concentrations allemands : résistants, déportés politiques, juifs… Au total, le département du Maine-et-Loire a connu 1 024 déportations. La seconde rappelle le départ du convoi n°8, le 20 juillet 1942 à 20h30, qui emmène vers Auschwitz 870 juifs raflés dans tout l’Ouest de la France. Le convoi part du quai du Maroc à proximité de la caserne Éblé. Seules 16 personnes en reviendront.

Les carrés militaires

À partir de la loi du 29 décembre 1915, l’inhumation en fosse commune sur les champs de bataille laissent place aux tombes individuelles. Grâce à la plaque d’identification que portent désormais les soldats, leurs corps peuvent être restitués à leurs familles, à la charge de l’État. L’inhumation peut se faire dans la sépulture familiale ou dans un carré militaire organisé par les communes. On en compte plusieurs dans les cimetières d’Angers. Au cimetière de l’Est, trois carrés conservent les dépouilles des Angevins morts pour la France en 1914-1918, en 1939-1945 et en Indochine et Afrique du Nord. Le cimetière de l’Ouest abrite trois carrés concernant les mêmes conflits et un autre est dédié aux militaires Kabyles. Les victimes civiles de 1939-1945 sont enterrées dans l’espace militaire de cette période.

Carré militaire dit Kabyle 1914-1918, cimetière de l’Ouest.

Cet espace accueille 36 tombes d’hommes, venus de toute l’Afrique, morts dans les hôpitaux provisoires d’Angers. Leur origine musulmane a amené à la dénomination de carré Kabyle. Les tombes sont identifiées par une petite stèle reprenant la forme d’un arc brisé outrepassé.

Carré militaire 1914-1918, cimetière de l'Est

Les corps ensevelis sont surmontés d’une croix en forme d’épée décorée. Au centre de celle-ci figure la croix de guerre traversée de deux épées et ornée d’une tête de la République coiffée d’une couronne de lauriers. Le pied de l’épée est orné d’une palme. Sur le cartouche est mentionné le nom du soldat, son régiment et la date de son décès. Le carré compte 425 corps.

Maurice Tardat

Né le 20 juin 1891 en Algérie, Maurice Tardat participe à de nombreux engagements pendant la guerre de 1914-1918. Blessée à la guerre, il est réformé. Dès octobre 1940, il constitue un groupe de résistants, la confrérie Notre-Dame « CND Castille ». Il aide à faire évader et passer en zone libre un grand nombre de juifs et prisonniers de guerre recherchés par l’ennemi. Arrêté une première fois, en 1942, il est relâché, faute de preuve, mais un an plus tard la gestapo l’emprisonne, puis le déporte à Buchenwald où il meurt en 1944. Une stèle est édifiée le 30 mai 1946 au cimetière de l’Est en son honneur. On peut y lire cette inscription: « À Maurice Tardat chef résistant du réseau C.N.D. Castille - Les volontaires de guerre, les médaillés militaires, les mutilés des yeux à leur président ». En 2004, une nouvelle plaque est apposée à son domicile, au 29, rue Saint-Julien, pour remplacer l’ancienne de 1946.

Céline Mary, guide-conférencière

Philippine Binet, stagiaire MII Culture, Patrimoine et Tourisme