L’abbaye royale de Saint-Serge-lès-Angers

L’abbaye est fondée au début du VIIe siècle, par les rois mérovingiens, entre les prairies inondables de la Maine et l’ancienne voie romaine qui reliait Angers à Jublains. La dédicace au soldat martyr oriental saint Serge est due à la diffusion de son culte dès le VIe siècle en Gaule. Les premiers temps de l’histoire de Saint-Serge sont mal connus, mais deux événements ont des conséquences importantes. Le monastère passe un temps sous le contrôle des rois de Bretagne, qui y déposent les reliques de saint Brieuc (un vitrail de 1912 rappelle cet épisode).

Un peu plus tard (897-900), il est remis à l’évêque d’Angers Rainon, qui y établit sans doute des chanoines. Autour de l’an 1000, l’évêque Renaud II y installe des moines bénédictins. Sous l’abbatiat de Vulgrin (1046-1056), l’abbaye se développe, grâce à l’appui des comtes d’Anjou. A cette époque, l’église est reconstruite (et consacrée en 1059), le scriptorium* est actif et les biens du monastère sont nombreux dans l’Ouest et jusqu’en Angleterre. La prospérité de l’abbaye aux XIIe et XIIIe siècles permet la reconstruction du choeur.

Après l’édification de l’enceinte urbaine de saint Louis, Saint-Serge reste hors les murs et subit des pillages au cours de la guerre de Cent Ans et des guerres de Religion.
En 1553, l’abbaye est mise en commende (les abbés ne résident plus sur place et se contentent de toucher les revenus de leur charge). En 1629, Saint- Serge est réformé (Congrégation de Saint-Maur). En 1790, les treize moines sont dispersés. Après diverses utilisations, les bâtiments conventuels reçoivent en 1808 le séminaire diocésain. En 1907, à la suite de la Séparation de l’Eglise et de l’Etat, ce dernier reprend les lieux. Actuellement, les bâtiments abbatiaux et ceux du séminaire sont affectés au lycée Joachim-du-Bellay, l’église accueillant toujours la communauté paroissiale du quartier.

L’église abbatiale :murs massifs et voûtes légères

Lors de la période de rénovation monastique du XIe siècle, on commence une reconstruction dont subsistent la croisée du transept et les murs du bras nord (gauche) où apparaît la trace d'une fenêtre romane. Quelques années plus tard, l'abbé Vulgrin rehausse la tour de la croisée (encore visible dans les combles) et construit le bras sud du transept (bras droit) dont les contreforts reprennent les alternances brique et pierre. Ce transept sera couvert de voûtes au XIIIe siècle.

Des travaux du XIIe siècle, il ne subsiste que le mur de l'absidiole sud (chapelle du baptistère). Le plan initial a été partiellement repris lors de l’édification du choeur actuel, vers 1220-1225 : six hautes colonnes de plus de 8 mètres de haut soutiennent 12 voûtes bombées d'à peu près égale hauteur, qui couvrent un espace de 21 m sur 14 m. Cette importance du choeur est normale dans un bâtiment monastique. L'architecte inconnu du XIIIe siècle a utilisé le modèle de la grande salle et de la chapelle de l'hôpital Saint-Jean, sur l'autre rive de la Maine, de quelques décennies antérieures, tout en apportant des modifications : colonnes plus fines et plus hautes, bases et tailloirs* octogonaux, nervures multiples à liernes*. La légèreté du voûtement s’oppose à l’austérité des murs. La chapelle absidiale à six fenêtres, reprise dans la chapelle latérale nord, deviendra le modèle de nombreux choeurs de petites églises rurales de la région.

L’architecte innove également en mettant en place un programme décoratif d’une centaine de sculptures ornant les grosses clefs de voûtes et les petites clés aux extrémités des liernes* selon un plan iconographique cohérent proche des portails gothiques de la même époque. Dans le choeur, le Christ ressuscité, au centre, est entouré dans les travées périphériques de neuf apôtres. Dans l’axe longitudinal, l’accueil des sauvés dans le sein d’Abraham*, le couronnement de la Vierge et l’Agneau pascal. Dans la chapelle latérale nord, c’est le Christ du jugement qui est sculpté, accompagné du taureau et du lion (symboles des évangélistes Luc et Marc).
Les vitraux des deux travées orientales du choeur sont des grisailles* (vitraux sans figures au décor d’entrelacs) du XIIIe siècle, d’autres datent du milieu du XIXe siècle. Ainsi ce choeur montre-t-il l'originalité et l’aboutissement de l’art gothique de l'Ouest de la France.

La nef romane, sans doute en mauvais état après la guerre de Cent Ans, est rebâtie au milieu du XVe siècle. On y retrouve l’élévation angevine classique (grandes arcades, étroite galerie, fenêtres) interprétée dans le style flamboyant de l’époque. Le décor forme un ensemble cohérent : la série des quatre clés de voûtes représente un arbre de Jessé*, illustrant l’annonce de l’Incarnation du Christ.

Les vitraux du côté nord figurent les prophètes de l’Ancien Testament et ceux du côté sud les apôtres, chargés d’annoncer la venue et le message du Christ.

Ces verrières de 1462-1463 sont d’André Robin qui a également réalisé celles du transept de la cathédrale. De cette même époque datent le sacrarium (armoire à reliques) et la tour du clocher (1480). A l’extrême fin du XVe siècle, de grands autels ornés de statues furent élevés. Des différentes commandes de sculpture passées à A. Delabarre (fin XVIe s.) et P. Biardeau (milieu XVIIe s.), il ne reste plus que la statue de la prophétesse Anne placée dans le transept. La fresque située sous la tribune, de la même période, montre saint Christophe portant l’Enfant Jésus. Située près de l’entrée principale, cette « image de piété » était ainsi très accessible aux fidèles, tout comme la Crucifixion qui l’accompagne.

Les constructions mauristes…

Saint-Serge apparaît comme l’une des premières abbayes du diocèse à adhérer à la réforme de Saint-Maur. La première pierre des bâtiments conventuels est posée en 1694 et les travaux achevés en 1726. Comme à l’abbaye Saint-Nicolas, les mauristes* construisent un grand édifice dont les bâtiments sont d’une noble sobriété : seule la façade orientale est rompue par la présence de l’ordre colossal* et d’un fronton, à l’origine aux armes de la France (actuellement remplacé par une horloge). Un espace ouvert à deux galeries achevées en 1734 remplace le plan traditionnel centré sur un cloître fermé. Leurs voûtes d’arêtes avec doubleau reposent sur des colonnes engagées d’ordre toscan*.

Une partie des décors intérieurs est conservée. La salle du chapitre possède des boiseries incurvées autour de la chaire du prieur et dans le réfectoire des voûtes retombent sur des culs de lampes sculptés d’angelots. Au premier et au deuxième étages, accessibles par deux grands escaliers logés dans les avant-corps, se trouvaient vingt-quatre cellules (logements des moines) témoignant que l’abbaye fut une des maisons d’études des jeunes profès* de la province de Bretagne.

… et l’ancienne église paroissiale

De l’époque du séminaire date une modification du cloître et la chapelle néo-romane achevée en 1870 (architectes Roques et Joly-Leterme). Dans l’alignement du grand bâtiment monastique, la "maison de philosophie", destinée à l’origine aux jeunes séminaristes, est construite en 1839.


A proximité de l’enclos se trouvait l’église paroissiale Saint-Samson, encore visible dans l’actuel jardin des Plantes. De l’église romane, mentionnée avant 1031, on voit encore le portail (XIIe s.). Elle fut agrandie à la fin du XVIIe siècle par une sacristie et en 1711 de deux ailes. Le cimetière attenant fut transféré en 1791 au clos Bouillou (bd Saint- Michel). Cette même année, l’église conventuelle devint le siège de la paroisse Saint-Serge. C’est la seule église conservée des quatre monastères bénédictins réformés d’Angers (Saint-Aubin, Saint-Serge, Saint-Nicolas et l’Esvière).

  • Glossaire :

*Arbre de Jessé : représentation de la prophétie d’Isaïe : " un rameau sortira de la souche de Jessé ", ancêtre du roi David. C’est donc un arbre généalogique, partant de Jessé, et se terminant par le Christ.
*Le sein d’Abraham : une des représentations du paradis où sont accueillis les élus (ou sauvés), représentés sous l’apparence d’enfants.
*Lierne : la voûte est divisée en quartiers par les ogives qui s’appuient sur les colonnes, et ces quartiers sont divisés par des nervures appelées liernes.
*Mauriste : moine appartenant à la congrégation de Saint- Maur dont dépendaient de nombreux monastères bénédictins en France aux XVIIe et XVIIIe siècles.
*Ordre colossal : architecture utilisant des colonnes s’élevant sur plusieurs étages.
*Ordre toscan : type architectural romain caractérisé par des colonnes aux chapiteaux très simples.
*Profès : moine ayant fait profession religieuse à l’issue de son noviciat en prononçant ses voeux.
*Scriptorium : lieu de copies de manuscrits souvent enluminés.
*Tailloir : pierre formant le couronnement d’un chapiteau.
*Tore : nervure d’apparence cylindrique.

 

F. Comte, archéologue, Ville d’Angers

J.-L. Marais, président de l’association « Amis de l’abbatiale Saint-Serge »

2003

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