Un hôtel particulier sur le nouveau boulevard

Par sa situation et son architecture, l’hôtel Tessié de La Motte s’impose comme une des plus belles réalisations de l’anneau de boulevards qui ceinturent la ville ancienne. Construit en 1825 pour Gustave Tessié de La Motte, un marchand de fer en gros, il est l’oeuvre d’un architecte originaire d’Orléans, François Lecoy (1774-1859). Auteur d’ouvrages théoriques, celui-ci n’est connu que pour deux autres édifices à Angers, l’hôtel Janvier de La Motte (3, rue du Quinconce - avenue Jeanned’Arc) et l’hôtel Oriolle (1, rue Talot - boulevard du Roi-René) qui fut sa propre demeure, très largement remaniée sous le Second Empire. La construction de cet hôtel particulier est consécutive à l’aménagement des boulevards qui remplacèrent les fortifications du temps de saint Louis. Avec la disparition de cette enceinte autorisée par Napoléon 1er en 1807, le souci de la municipalité fut d’ouvrir la cité sur de grandes voies conçues comme des promenades, première expression des grands travaux d’urbanisme du XIXe siècle. Les terrains concédés appelaient de ce fait des constructions en rapport avec la qualité de l’emplacement. Sur cette frange la plus en vue, aux abords de l’hôtel de ville et des grands espaces du "champ de foire" (les futurs jardin du Mail et place du Maréchal-Leclerc), le principe majoritairement retenu fut d’implanter des hôtels particuliers avec jardins en façade, dans un esprit de continuité avec les boulevards plantés d’une quadruple rangée d’arbres, les cours et parties utilitaires étant reléguées au maximum sur les arrières.

L’hôtel Tessié de La Motte utilise au mieux sa situation à l’angle de la rue du Mail, créée sur les fonds démembrés des couvents des Ursulines et des Cordeliers. Un portail sur cette rue latérale mène à une cour d’entrée où se trouvent à la fois l’accès au logis (service, réception, appartements) et aux communs en vis-à-vis. La belle façade, en tuffeau appareillé, est tournée vers le boulevard et bénéficie d’un jardin suspendu. L’architecte concilia ainsi tradition et modernité : le parti noble de l’hôtel entre cour et jardin, issu de l’Ancien Régime, s’accompagne d’une nouvelle configuration spatiale où l’élévation principale est exposée au regard de tous, dotée d’une dimension urbanistique et vitrine de la ville moderne en devenir.

Une architecture palladienne

L’hôtel Tessié de La Motte constitue un remarquable témoin du néo-classicisme*, dans la tradition du XVIIIe siècle et des oeuvres de l’architecte angevin Michel Bardoul de La Bigottière. Ainsi, le parti architectural s’avère de grande qualité tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Son plan massé autour d’un salon en rotonde donnant sur le boulevard atteste, durant cette période, de l’engouement pour les formes palladiennes (du nom du grand architecte vénitien de la Renaissance, Andrea Palladio). L’ordre colossal* des façades, de même que la balustrade dissimulant ici une toiture à faible pente, trouvent leur pendant au château de Pignerolle (commune de Saint-Barthélemyd’Anjou) ainsi qu’à l’hôtel de Maquillé (18, rue du Cornet). Si les décors extérieurs (pilastres cannelés, chapiteaux corinthiens, entablement*, fenêtres à agrafe décorée de palmette…) n’ont fait l’objet d’aucun remaniement, il n’en fut pas de même des intérieurs. Ces derniers ont été transformés selon toute vraisemblance vers 1870 pour Eugène Tessié de La Motte, propriétaire le plus notable, qui fut député et maire des Rosiers-sur- Loire pendant 47 ans, de la monarchie de Juillet à la Troisième République. Le salon en rotonde conserve une décoration de lambris blancs rehaussés de filets d’or caractéristiques du style Louis XV jugé alors très représentatif de la quintessence et du rayonnement de l’art français. Protégé au titre des Monuments historiques en 1975, l’édifice fut acquis par la Ville en 1988 pour en faire un lieu de réception et de résidence des hôtes de la Ville, tandis que les communs abritent les services de communication.

Accueillir les hôtes de marque de la Ville

L’hôtel Tessier de La Motte a permis de recevoir des chefs d’entreprises, tels Leif Östling, PDG de Scania, ou les PDG de Packard-Bell Nec, BTC (claviers d’ordinateurs), les Messageries Lyonnaises de Presse, SEMA-Group, Stream, venus signer les protocoles d’accord d’implantation de leurs entreprises. Ceci a conduit à la création de plus de 2 500 emplois à Angers.

L’hôtel reçoit aussi les représentants des villes jumelles d’Angers, les maires de Haarlem, Pise, Osnabrück, Wigan ou des villes partenaires de Södertälje et Séville, le gouverneur de Bamako, ainsi que les ministres maliens de la Santé, du Tourisme ou de la Culture… de passage à Angers.

Enfin, les artistes qui exposent ou viennent à Angers, tels Morellet, Garouste, Di Rosa ou Carole Bouquet, y ont également séjourné.

  • Glossaire :

*Néo-classicisme : mouvement artistique des années 1750-1850, marqué par un goût prononcé pour l’Antiquité gréco-romaine, favorisé par la découverte des ruines de Pompéi.
*Ordre colossal : pilastres ou colonnes se développant sur plusieurs niveaux.
*Entablement : couronnement horizontal d’inspiration antique d’une élévation.

 

Olivier Biguet, Conservateur territorial du patrimoine Ville d’Angers

Dominique Letellier-d'Espinose, Chercheur service régional de l’Inventaire, DRAC des Pays de la Loire,
avec le concours de Valérie Chapron

Bernard Lecoq, Directeur du service Information- Communication, Ville d’Angers

2002

Découvrez l’hôtel Tessié de La Motte de l’extérieur à l’angle du boulevard Bessonneau et de la rue du Mail.

Renseignements