Ancienne résidence d’été des évêques d’Angers, léguée à la Ville d’Angers par un grand collectionneur des arts du Moyen Âge, Daniel Duclaux (1910-1999).         

Un industriel fortuné

Un industriel créatif et un collectionneur passionné

Né à Saint-Mandé, ingénieur des Arts et Métiers en 1930, Daniel Duclaux fonde en 1947 sa propre entreprise, Électrification - Charpente - Levage (ECL), à Lille. Il épouse Marie Dickson (1911-2002), descendante du fondateur de la firme Dickson, aujourd’hui leader mondial de la toile à store.

La curiosité toujours en éveil, Daniel Duclaux achète d’abord à foison livres d’histoire de l’art et de littérature. C’est un grand admirateur de George Sand, Balzac, Colette, des poètes du XIXe siècle… Ses premiers achats sont aiguisés par ses lectures et ses nombreux voyages professionnels. Le succès de sa société lui permet des achats de plus en plus importants. Il s’attache les conseils d’un jeune antiquaire, Philippe Carlier, qui devient son ami. L’ingénieur- collectionneur montre une vraie passion pour le Moyen Âge et la Renaissance.

L’essentiel de la collection est réuni dans les années 1970 : achats internationaux, objets de rang international. Tous les arts y participent : bronze, céramique, dinanderie*, émail, ferronnerie, gravure, ivoire, livre, enluminure, ébénisterie, orfèvrerie, peinture, sculpture, tapisserie, textile, vitrail, au total neuf cents objets qui forment le testament d’une vie dédiée à la technique et aux arts. Mais quel écrin choisir pour ces merveilles ? 

Un collectionneur averti

Attiré par une tapisserie

Son choix se porte sur le château de Villevêque, ancienne résidence des évêques d’Angers. Du château-fort du XIIe siècle surplombant le Loir, il ne subsiste que les douves et une partie du logis. L’actuelle résidence gothique est issue d’une reconstruction de l’évêque Jean de Beauveau (1448-1450) et de rénovations importantes intervenues au XIXe siècle.

Pourquoi Villevêque ? C’est l’histoire d’un coup de foudre pour une tapisserie de Tournai, vue dans le magazine Demeures et châteaux, la fameuse « Condamnation de Banquet » du début du XVIe siècle, si fraîche dans ses coloris à vendre avec le château. Celui-ci appartient alors à l’artiste Auguste Durel qui a fait remonter, dans l’enceinte du château, des éléments provenant de la galerie supérieure du cloître d’Elne (Pyrénées- Orientales).

Aussitôt Daniel Duclaux est attiré, mais en homme d’affaires avisé il ne conclut qu’après trois ans de contacts variés, en 1979. Dernière étape, le voeu le plus cher du collectionneur : créer un musée sur place, garder une demeure vivante, faire partager ses passions. La Ville d’Angers s’engage en 2003 à poursuivre cette belle aventure en acceptant le legs de son épouse Marie Duclaux.

Une collection prestigieuse léguée à la Ville d'Angers

Le legs Daniel Duclaux, annexe du musée des Beaux-arts d’Angers

A son décès, Marie Duclaux a légué à la Ville d’Angers l’ensemble de ses biens dont les importantes collections réunies par son mari. Certaines oeuvres et objets d’art exceptionnels, méritent une attention particulière. Dans une belle collection de sculptures du Moyen Âge se distingue une remarquable « Vierge de l’Annonciation » de l’école siennoise du début du XVe siècle. Sa silhouette élancée et ses similitudes avec « l’Annonciation » de San Gimignano la rapprochent de l’art de Jacopo della Quercia. Elle a parfois été attribuée à Giovanni di Turino (vers 1385-1455).

La collection comporte aussi quantité de céramiques italiennes, dont un magnifique plat de la première moitié du XVIe siècle représentant le Parnasse, réalisé à Urbino et visible au musée des Beaux-arts d’Angers. Pégase occupe le premier plan, au centre, Apollon converse avec les Muses et les poètes. Cette composition ample reprend une gravure célèbre de Marcantonio Raimondi, inspirée d’un dessin de Raphaël.

Cette collection comprend également de nombreux émaux dont une coupe godronnée* fabriquée à Venise autour de 1500. Sa richesse en faisait un objet précieux réservé aux plus grandes familles princières.

Des oeuvres exceptionnelles du Moyen Âge à la Renaissance

Plus monumental, le mobilier ancien occupe une place de premier plan parmi les pièces rassemblées par Daniel Duclaux. Si certaines sont modestes, d’autres sont luxueuses, comme un cabinet à deux corps, en noyer, réalisé en Bourgogne aux alentours de 1590 et orné de reliefs représentant les quatre saisons, d’après des gravures de Jacob Matham (Haarlem).

L’oeuvre la plus spectaculaire de ce legs est sans doute la grande tapisserie de « La Condamnation de Banquet », tissée au début du XVIe siècle à Tournai. L’auteur de son carton est inconnu. On suppose toutefois que cette tenture est passée dans les mains de Jean Grenier, marchand de tapisseries et chef d’atelier. Cette pièce est un fragment d’une suite plus importante s’inspirant d’une oeuvre allégorique publiée en 1507 par Nicolas de La Chesnay, La Condamnation de Banquet. Banquet y tend un piège à ses invités, qui uccombent à la gourmandise. Ceux-ci sont ensuite punis par les maladies et les indigestions ; le criminel est jugé et condamné pour ce méfait. La tapisserie d’Angers montre l’attaque des maladies dans la salle de festin.

Les tapisseries léguées par Daniel Duclaux, et son importante collection d’étoffes anciennes, viennent compléter les collections des musées d’Angers. Elles offrent avec la tenture de l’Apocalypse conservée au château d’Angers, un panorama complet de l’évolution de l’art textile au Moyen Âge.

  • Glossaire :

*Dinanderie : ensemble des objets fabriqués en métal.
*Godron : ornement creux ou saillant de forme ovoïde, aux bords de la vaisselle d’argen

Sylvain Bertoldi, Conservateur en chef du patrimoine Directeur des Archives d’Angers
Patrick Le Nouëne, Conservateur en chef du patrimoine Directeur des Musées d’Angers

2007

Visitez le Musée château de Villevêque

Propriété de la Ville d'Angers

Pour vous y rendre : Depuis Angers, suivre la N23 en direction de Paris/Saint-Sylvaind’Anjou, continuer sur A11 en direction de Paris et prendre la sortie 14A direction Tiercé. Puis suivre Villevêque (17 km).

Renseignements