Un manoir gothique et Renaissance en pleine campagne

Une propriété suburbaine

Rattrapé par les extensions de la ville à la fin du XIXe siècle, le manoir du Pin était auparavant situé au milieu de terres labourables, de prés et de vignes. L'édifice initial - partie gauche du château actuel - présentait l'aspect habituel des nombreuses demeures de plaisance de la seconde moitié du XVe siècle, avec ses murs de schiste et sa tour d'escalier à pan coupé, bien en évidence. Selon une tradition aristocratique, cette dernière comprend dans sa partie haute une petite pièce formant belvédère et desservie par une étroite vis en encorbellement* (décelable sur la façade). La haute toiture est toujours portée par sa charpente d'origine, dont subsiste un culot de poinçon* élégamment sculpté.

Dès l'époque François 1er, le manoir du Pin fut embelli, en particulier sur la tour d'escalier : le pan coupé présente un décor sculpté de pilastres à motifs géométriques de cercles, triangles et losanges, parfaitement représentatif de la Renaissance autour de 1520-1530, tel qu'on l'observe également à l'hôtel de Pincé ; de même, les clés de baies à palmette, les rosaces inscrites dans les motifs géométriques, les chapiteaux composites encore très libres dans leur conception. Un semis de coquilles Saint-Jacques sur l'une des allèges de fenêtre fait référence très certainement au commanditaire de ce décor : en effet, un acte d'acquisition de 1520 mentionne pour nouveau propriétaire du « lieu et closerie du Pin » un certain Jacques Lemesle, secrétaire de l'évêque d'Angers. Le document fait état de son intention d'y fonder une chapelle : celle-ci occupe le premier étage d'un petit corps de bâtiment en saillie, plaqué contre l'escalier et le logis principal. Elle peut aussi lui être attribuée, d'autant que le vitrail axial, d'époque Renaissance, représente sous un calvaire un saint Jacques pour saint patron, au pied duquel est agenouillé le clerc et donateur. Une des salles du rez-de- chaussée possède encore une grande cheminée, caractéristique de la Renaissance par sa frise d'oves* sur la hotte (le décor peint est du XIXe siècle).

Du manoir au château moderne

La demeure d'André Leroy

Propriété de grandes familles angevines, les Lesrat, les Louet, ce domaine n'était plus qu'une simple exploitation agricole au XVIIIe siècle. Il retrouva un nouveau lustre lors de son acquisition en 1859 par André Leroy, célèbre pépiniériste angevin. Il fit moderniser le manoir, retouchant la plupart des fenêtres et aménageant sur les arrières une galerie à trois travées voûtées d'ogives. Son intervention la plus tangible se situe dans l'oratoire : à l'imitation du vitrail Renaissance, une seconde verrière le représente agenouillé devant saint André, avec en arrière-plan la représentation du martyre de son saint patron.

A la mort du pépiniériste en 1875, son gendre Edouard Loriol de Barny confia à l'architecte parisien Jean Foulquier la tâche d'en faire une demeure de prestige, toujours de style gothique : doublé en longueur, l'édifice s'enrichit d'une seconde tour d'escalier en symétrie de l'ancienne, d'une galerie-terrasse entre deux, ainsi que d'une bow-window* contre le pignon gauche. Le vaste parc, dans lequel André Leroy avait planté des essences rares et installé ses activités horticoles, fut en revanche considérablement réduit car inscrit désormais dans un secteur en voie d'urbanisation (rues Mirabeau, La Fontaine, du Pin). Brièvement maire d'Angers en 1877, E. Loriol de Barny, dont on voit le monogramme LB dans l'oratoire, y décéda en 1884. Au XXe siècle, le Pin fut la propriété de la famille Weyer, famille de militaires, avant d'être acquis par la Ville d'Angers au début des années 1980. Le parc, réaménagé, fut ouvert au public en 1986 ; dans le même temps, le château fut restauré et abrite depuis 1992 la Galerie Sonore.

Un lieu dévolu à la musique

La Galerie Sonore

Créée en 1973 par Maurice Fleuret, dans le cadre du Festival d'Automne de Paris, la Galerie Sonore se déplaça dans de nombreuses villes en organisant des animations auprès du grand public. D'abord propriété des Jeunesses musicales de France, elle s'installa en 1980 à Angers. Elle propose des activités musicales autour d'une collection de près de deux mille instruments venus du monde entier. Depuis 1986, elle est gérée par une association loi de 1901.

A la différence d'un musée, et c'est ce qui constitue la principale originalité du travail de la Galerie Sonore, tous les instruments sont en état de jeu et à la disposition du public. Des activités ponctuelles et des cycles sont proposés selon deux orientations distinctes : la découverte de répertoires traditionnels ou l'exploration de la collection dans une démarche de création sonore. Les contenus sont adaptés en fonction de l'âge des participants et de leurs connaissances musicales (animations possibles pour les débutants jusqu'aux musiciens confirmés). La Galerie Sonore développe également des projets de recherches appliquées (collectage, lutherie), organise des expositions et produit des contes musicaux pour enfants.

L'association Musique et Mouvement

Créée en 1988, l'association Musique et Mouvement est également hébergée au château du Pin. Elle propose un enseignement dont la première motivation est le plaisir d'apprendre et de s'épanouir par la musique sans examen, ni compétition, ni limite d'âge. Il est possible d'y suivre des cours collectifs d'éveil musical et de formation musicale ainsi que des cours individuels de formation instrumentale. L'accent est mis sur la convivialité par la musique d'ensemble.

  • Glossaire :

*Vis en encorbellement : escalier formé de marches tournant autour d'un noyau, dit en encorbellement lorsqu'il ne part pas du sol et forme saillie en extérieur : ce surplomb est traité par des moulures ou une trompe (petite voûte d'angle).
*Culot de poinçon : dans la charpente, partie inférieure sculptée (culot) de la pièce de bois verticale (poinçon) partant du faîtage et chargée de raidir les pièces de bois horizontales, transversales ou longitudinales.
*Oves : motif décoratif disposé en frise, d'origine antique, en forme d'oeuf (du latin ovum), qui réapparaît à partir de la Renaissance dans le répertoire ornemental.
*Bow-window : mot d’origine anglaise désignant une baie en saillie sur le mur d’un édifice.

Olivier Biguet Conservateur territorial du patrimoine Ville d'Angers
Dominique Letellier-d'Espinose, Chercheur service régional de l'Inventaire, DRAC des Pays de la Loire
Guy Chapet Président de la Galerie Sonore d'Angers
Michel Pecha-Soulez Président de l'association Musique et Mouvement

2005

Découvrez le château du Pin

Maison des Musiques

1, rue du Pin

Visitable lors des journées du patrimoine

Renseignements