Une fausse appellation et une origine inconnue
L’hôtel que l’on appelle improprement du Roi de Pologne compte parmi les belles demeures de la seconde Renaissance* à Angers. Classé monument historique depuis 1922, cet édifice était traditionnellement associé au duc d’Anjou et éphémère roi de Pologne, le futur roi de France Henri III. Cette appellation erronée remonte au XIXe siècle : un dessin mal légendé de Peter Hawke, dans son "Album des monuments de l’Anjou" vers 1838, semble être le début d’une méprise qui s’est poursuivie jusqu’à nos jours. Toutes les sources convergent désormais pour appliquer cette désignation à la "maison auberge et dépendances nommée le Roy de Pologne", appartenant en 1740 au marchand Etienne Tassin et située sans ambiguïté au bas de la montée de l’Esvière (actuelle rue Pitre-Merlaud). De ce fait, le mystère s’épaissit sur les origines de l’hôtel occupé aux XVIIe et XVIIIe siècles par des familles de notables. Puis il devint en 1741 une école de charité, sous la direction des Frères des écoles chrétiennes. Après la Révolution où il fut vendu comme bien national, l’hôtel fut subdivisé en de multiples propriétés et locations amenant la déchéance matérielle des bâtiments, dont la destruction d’un pittoresque corps de logis secondaire lors d’une tempête en 1937 fut l’incident le plus dommageable. Une première fois restauré dans les années 1960, à la suite de son acquisition par la ville d’Angers, l’édifice a fait l’objet en 1986 d’une nouvelle réhabilitation.
Une architecture caractéristique de la seconde Renaissance* angevine
Aujourd’hui inscrit dans un environnement qui peut paraître incongru, cet hôtel comptait au XVIe siècle parmi les quelques belles demeures probablement de grands négociants établis Port-Ligny, le long de la grève où se développait une intense activité portuaire. La datation toute récente d’un élément de charpente, de peu postérieure à 1560, constitue un repère précieux et place l’édifice en bonne position dans l’épanouissement de la Renaissance classique qui débute à Angers dans les années 1540. Sont caractéristiques de cette période les épais murs de schiste enduits avec chaînages en pierre de taille, parfois égayés d’élévations en tuffeau pour les parties les plus en vue, comme l’escalier dans le cas présent. L’apparence est sobre, sinon austère, le décor sculpté se cantonne aux frontons chantournés* des lucarnes. Les encadrements de baie à mouluration plate et crossettes* d’angle, les corniches à gros modillons* constituent les seuls ornements architectoniques. Cependant, l’escalier très en évidence - une tour hors-oeuvre couronnée d’une chambre haute - relève d’un parti monumental hérité de l’époque gothique, désormais passé de mode dans les demeures les plus importantes et les plus novatrices après 1540.