En 1912, le Cottage angevin, société anonyme coopérative d'habitations salubres à bon marché, acquiert la propriété du Lutin afin de créer une cité ouvrière. Ce vaste terrain est délimité au nord par la rue Victor-Hugo, à l'ouest par la rue Florent-Cornilleau, au sud par la rue du Pré-Pigeon et à l'est par la route de Paris.

Un lotissement d’avant-guerre


Le Cottage angevin confie la conception  de ce nouveau quartier à Henri Jamard (1879-1953), architecte dont la clientèle habituelle est issue de la bourgeoisie fortunée pour laquelle il réalise de nombreuses villas, à Saumur puis à Angers, avant de s'installer à La Baule.

Le lotissement

Fidèle à sa pratique des projets à multiples versions, Henri Jamard propose quatre variantes d'aménagement du quartier. Selon les projets établis entre 1923 et 1925, le nombre de parcelles varie de 127 à 237, mais le schéma d'organisation demeure identique. Jamard applique les préceptes d'Ebenezer Howard, théoricien anglais des cités-jardins*, selon lesquels les tracés des rues doivent être courbes pour éviter la monotonie des lignes droites si caractéristiques des cités minières ; la pente du terrain favorise cette  implantation. Si le principe d'une place circulaire qui distribue quatre rues sinueuses est abandonné, la courbure des rues est conservée.

L'architecture

L'architecte propose cinq modèles de pavillons dans le goût pittoresque alors en vogue, deux pavillons simples, deux pavillons doubles et un pavillon triple ; autre nouveauté pour ce type de programme, il diversifie les types (de trois à cinq pièces). Malheureusement le projet n'aboutit pas. Le tracé du lotissement effectué en 1926 par le Cottage angevin s'inspire cependant du projet Jamard.

Le mélange des styles

A partir de 1929, les parcelles sont vendues à des petits fonctionnaires, artisans et employés qui aspirent à l'acquisition d'une maison individuelle. Quelques architectes tels Pierre Macaux, André Mornet, Pierre Defois, René Brot, Ernest Bouget ou Gabriel Baron conçoivent la plupart de ces petites maisons construites à la fin des années 1920 et au début des années 1930. Construites sur des parcelles étroites, les maisons mitoyennes adoptent une distribution le plus souvent très simple : au rez-dechaussée, un couloir dessert une salle à manger (ou une chambre) sur rue et une cuisine côté jardin tandis que les chambres et la salle de bain occupent l'étage.
L'apparente homogénéité du quartier laisse apparaître des influences diverses. Ainsi au n°7 de la rue du Lutin, la maison du mosaïste de Guisti, véritable vitrine commerciale, illustre la tendance Art Déco, tandis que le n° 57 bis traduit les influences modernistes (toit terrasse, nudité de la façade, géométrie des formes…) de l'architecte Harmiteau ; les références au style pittoresque sont également nombreuses.
Le quartier du Lutin n'en reste pas moins un ensemble marquant la production architecturale et urbaine des années 1930, rare à Angers.

  • Glossaire :

*Cité-jardin : modèle d'habitat social groupé qui privilégie la maison individuelle avec jardin dans un cadre arboré ou paysager. La cité-jardin est défendue par de nombreux philanthropes et intellectuels anglais et belges à la fin du XIXe siècle pour combattre l'insalubrité des logements ouvriers.
*Mouvement moderne : mouvement architectural qui prône l'emploi de formes géométriques et du béton, la suppression du décor, le toit-terrasse… L'un de ses plus célèbres représentants est l'architecte Le Corbusier.

Sandrine Prouteau et Bruno Letellier,Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de Maine-et-Loire

2003

Découvrez le quartier du Lutin

Renseignements, réservations