Une communauté enseignante

Cette chapelle relève du couvent des Ursulines,qui s'installa en 1619 en ces lieux, entre les enclos des Oratoriens et des Cordeliers. L'ordre, fondé à Brescia (Italie) en 1535, avait créé à Angers une maison d'enseignement pour les jeunes filles, à la demande de l'évêque et du corps de ville. Cette communauté éducative connut un rapide développement, car elle était ouverte non seulement aux filles de l’aristocratie et de la bourgeoisie, mais aussi au monde de l’artisanat et aux milieux très pauvres. L’établissement se constitua par l’achat de divers hôtels particuliers dont le logis de Goddes, daté de 1575 (2 rue des Ursules). Ils furent complétés de bâtiments neufs (4-6 et 10 rue des Ursules), d’un cloître détruit lors du percement de la rue et de la chapelle, édifiée de 1639 à 1642. Les trente-trois religieuses de cette communauté furent expulsées à la Révolution. Peu après, le couvent fut partagé en treize lots, de part et d’autre de la nouvelle voie urbaine. De retour sous la Restauration, les Ursulines rouvrirent leur  pensionnat, mais les lois de laïcisation de 1905 les en chassèrent une fois encore.

La chapelle

Accolée à l’hôtel de ville, la chapelle fut achetée par la municipalité en 1966, qui entreprit les dernières restaurations. Elle subsiste pour l'essentiel, à l’exception du choeur des religieuses que rappelle, sur le mur nord, la grande clôture en bois élevée en 1848 aux dimensions de l'arc intérieur de communication. La belle porte d’entrée à pilastres ioniques est surmontée d'une niche abritant la statue de sainte Ursule, exécutée en 1873 par le sculpteur angevin Henri Bouriché. Couverte d’une charpente lambrissée en berceau, la chapelle est composée d’un simple et grand volume dont le mur oriental est tout entier occupé par le maître-autel et son imposant retable.

Orgueil de l'édifice, ce grand retable, consacré par l'évêque Henri Arnaud en 1651, est l'un des plus spectaculaires de l'art du retable dit lavallois qui se répand au XVIIe siècle de la Bretagne à la Touraine, avec pour centre l’ancienne province du Maine (Mayenne et Sarthe). A défaut de sources d'archives, l'attribution au grand architecte et retablier lavallois Pierre Corbineau semble l'hypothèse la plus vraisemblable : il est l'auteur certain ou présumé des quelques oeuvres comparables à la chapelle des Jésuites de La Flèche, à la cathédrale et à l'église des Cordeliers de Laval. Toute la science de ces compositions, rigoureusement organisées et axées sur un avant-corps central, se manifeste dans l'articulation des colonnes, entablements* et frontons brisés, dans l'emboîtement des motifs et des couronnements. Le décor riche et plantureux mais strictement soumis au cadre architectural, la variété des marbres de couleur provenant de carrières locales, sont les composantes habituelles de l’école lavalloise : un art qui perdure longtemps dans les provinces de l'Ouest et ne s’efface que tardivement pour un style classique plus strict et dépouillé.

L’art du retable lavallois

La statuaire en terre cuite, technique locale traditionnelle depuis le XVIe siècle, est inséparable de l'art des retables lavallois. Elle a été longtemps attribuée au sculpteur angevin Pierre Biardeau, mais les dernières études penchent aujourd’hui pour les ateliers des frères Gervais II et Louis
Delabarre, par analogie avec les statues du jubé* de la cathédrale du Mans. La partie centrale accueille un tableau représentant l'Annonciation et une statue de la Vierge à l'Enfant. De part et d'autre apparaissent dans les niches inférieures saint Augustin (à l'ordre duquel étaient affiliées les Ursulines) et sainte Ursule elle-même. Au-dessus prennent place Madeleine et saint Charles Borromée, figures exemplaires de l'idéologie de la Réforme catholique. Sur les rampants des frontons, sont juchés les quatre évangélistes reconnaissables à leur attribut, saint Luc (le taureau), saint Matthieu (l’ange), saint Jean (l’aigle) et saint Marc (le lion).

L’autel de Saint-Joseph

Au début du XVIIIe siècle, les frères  angevins Christophe et Jacques Saint-Simon réalisent, face au choeur des religieuses, l'autel-retable figurant le songe de saint Joseph. Exécuté en tuffeau, il manifeste, tant par son architecture d'un classicisme majestueux
que par la dynamique baroque du groupe sculpté et de la gloire* qui le surmonte, une évolution radicale en comparaison du grand retable. D'un style ne devant plus rien à des manières locales, cet ensemble constitue une rareté en Anjou.

  • Glossaire :

*Entablement : couronnement horizontal d’une architecture comprenant une corniche, une frise et une architrave.
*Jubé : clôture monumentale en forme de galerie séparant le choeur de la nef.
*Gloire : représentation picturale ou en relief du ciel avec des anges et des saints

Olivier Biguet,Conservateur du patrimoine, Ville d’Angers
Dominique Letellier-d'Espinose, Chercheur, service régional de l’Inventaire, DRAC des Pays de la Loire

2004

Découvrez la chapelle des Ursulines

Ouverture lors des Journées du patrimoine.
Pendant l’année, visites commentées pour groupes/classes selon possibilités

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