Si l’on connaît bien le sculpteur David d’Angers, la famille Pavie est quelque peu tombée dans l’oubli. Pourtant, Louis Pavie et ses fils Victor et Théodore, amis intimes de David d’Angers, ont été au 19e siècle de véritables figures locales et des ambassadeurs du romantisme à Angers. Ce parcours propose de redécouvrir la ville sous l’angle de ces personnalités qui ont marqué la vie culturelle et politique angevine.

Je n’ai fait qu’entrevoir Angers dans le crépuscule. Les vitraux et le portail de la cathédrale sont merveilleux, le vieux château est très beau, toute la ville est pittoresque. Je trouve que notre bon Pavie ne l’admire pas assez. Dis-le-lui de ma part.”

Victor Hugo, 
Lettre à Adèle du 16 août 1834, 
OEuvres complètes, Impr. nat., "En voyage", tome II.

1) Jardin des Beaux-Arts

Louis Pavie a laissé une empreinte durable sur la vie culturelle angevine à plus d’un titre. Il est membre actif du bureau de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts d’Angers créée en 1828. Dans ce jardin des Beaux-Arts, à l’époque jardin de l’abbaye Saint-Aubin, il voit naître la célèbre poire Doyenné du comice en 1849. Dès 1823, Louis Pavie crée le Cénacle des Rangeardières. Après 1830, il réunit à nouveau chez lui, rue Saint-Laud, un cénacle à l’image des salons parisiens, que son fils Victor animera également. 

La bibliothèque d’Angers conserve les publications de la famille Pavie, les dessins de Théodore Pavie réalisés lors de ses séjours aux deux Amériques, au Moyen-Orient, en Inde, et également les lettres de David d’Angers et des autres amis intimes, comme Alexandre Dumas ou la famille Hugo. Ce fonds est consultable via le portail Commulysse.

2) Logis Barrault

David d’Angers dira à Victor Pavie : "L’ami de cœur, c’est ton père." La première rencontre entre Louis Pavie et David d’Angers remonte à l’enfance, quand ils fréquentaient l’École centrale, au logis Barrault. David a une douzaine d’années et Louis six de plus. Leur amitié durera toute leur vie. Ils côtoient un cercle d’amis communs, comme Victor Hugo que Louis présente à David d’Angers, ou Alexandre Dumas. Louis est le témoin de mariage de David d’Angers. Ce dernier joue un rôle important dans l’éducation artistique et intellectuelle des enfants de Louis ; il introduit Victor et Théodore auprès d’artistes parisiens et leur propose de l’accompagner dans ses voyages à Londres ou à Weimar, à la rencontre de personnalités comme Walter Scott et Goethe dont il souhaite faire le portrait.

3) Galerie David d'Angers

Dès 1811, le sculpteur offre à la Ville d’Angers trois de ses œuvres. Il envoie ensuite régulièrement des plâtres d’atelier ou terres cuites originales qui seront présentés au public, dès 1839, dans le réfectoire de l’ancien grand séminaire, actuel hall du musée des Beaux-Arts. C’est le premier musée français dédié à un artiste vivant. Cette collection de statues monumentales, bustes, médaillons (dont ceux de Victor et Théodore Pavie), dessins, etc. est exposée depuis 1984 dans l’ancienne abbatiale Toussaint.

4) Statue du Roi René, château d'Angers

Cette statue du roi René est la première statue installée dans la ville, en 1853. Réalisée par David d’Angers et financée par le comte de Quatrebarbes, cette sculpture représente le roi René en jeune chevalier. Il est accompagné en son socle de douze statuettes qui incarnent l’histoire de l’Anjou, dont Charles Ier d’Anjou, Louis Ier d’Anjou, Isabelle de Lorraine (première épouse du roi René), Jeanne de Laval (sa seconde épouse), Marguerite d’Anjou (sa fille)… Dans une lettre à Victor Pavie en 1843, David d’Angers évoque ses oeuvres historiques : "J’aime qu’on écrive l’histoire avec le bronze et le marbre."

5) Cathédrale

Une grande estime réciproque lie la famille Pavie et David d’Angers, malgré de nombreuses divergences politiques et religieuses. Soutiens de l’Église, engagés dans la vie pastorale, Louis Pavie et ses fils jouent un rôle important dans la fondation de l’Université catholique de l’Ouest en 1875. C’est grâce aux négociations inlassables de la famille Pavie que la statue de sainte Cécile, momentanément retirée de la cathédrale d’Angers, est réintégrée dans le choeur. Donnée en 1838 à la cathédrale d’Angers, cette oeuvre en marbre blanc est une reproduction par David d’Angers de sa statue créée pour l’église Saint-Roch de Paris. Le sculpteur réalise une deuxième oeuvre, le Calvaire, placée initialement à l’intérieur de la cathédrale. Déplacée en 1960 dans une niche extérieure, c’est une des premières réalisations en
zinc connue en France.

6) Rue Saint-Laud

Louis Pavie reprend les Affiches, Annonces et Avis divers d’Angers, publication fondée en 1773. En 1835, Victor lui succède pour dix ans. Sous des noms divers, le journal - considéré comme l’un des plus anciens quotidiens de province - se perpétue jusqu’en 1944. La première imprimerie de la famille Pavie se situe au n°64 de la rue Centrale (actuel n°42 de la rue Saint-Laud). À l’emplacement actuel du centre commercial Fleur d’eau, Louis et sa mère Marie-Marguerite Fabre créent en 1803 une nouvelle imprimerie. Elle sera démolie en 1875 pour laisser place au Palais des marchands. C’est dans cette imprimerie qu’est éditée, en 1841, Œuvres choisies de Joachim du Bellay, publication signée des trois amis romantiques, David d’Angers, Sainte-Beuve et Victor Pavie.

7) Rue de l'Espine, Hôtel de Pincé

Initialement située au 12 rue Saint-Laud, cette façade est déplacée dans les années 1900, au moment des grands travaux d’élargissement de la rue, et remontée dans la cour de l’hôtel de Pincé. À la fin du 18e siècle, elle constituait l’entrée du principal café d’Angers tenu par Antoine Fabre (aujourd’hui Bar du Centre). Les deux familles sont étroitement liées : comme son grand-père, Louis Pavie épouse une Fabre, Eulalie-Monique.

8) Rue David-d'Angers

Au 38 rue David-d’Angers se situe la maison familiale de David d’Angers, où il naît le 12 mars 1788. Grâce à une bourse municipale, David d’Angers part très jeune à Paris pour étudier la sculpture, mais il restera attaché à l’Anjou. Son engagement est aussi politique. Si son ami Louis Pavie participe à la vie municipale de 1820 à 1830, époque où le premier théâtre d’Angers est inauguré, David d’Angers fréquente les milieux progressistes et est élu député du Maine-et-Loire en 1848. Il est exilé pour son opposition au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte (en 1851) et ne rentre qu’en 1853.

9) Place Lorraine

À la mort de David d’Angers en 1856, son ami Victor Hugo écrit ces mots : "David est aujourd’hui une figure de mémoire, une renommée de marbre, un habitant du piédestal après en avoir été l’ouvrier. Aujourd’hui, la mort a sacré l’homme et le statuaire est statue." À Angers, la première statue rendant hommage à David d’Angers est inaugurée en 1880, place Lorraine. Cette statue en bronze de Louis Hubert-Noël dit Louis-Noël, fondue sous le régime de Vichy, est remplacée en 1949 par une sculpture en pierre de Lucien Brasseur, le piédestal restant le même.

La famille Pavie et David d'Angers, portraits de famille

Louis Pavie (1782-1859) dirigea l’un des tous premiers journaux d’Angers, les Affiches d’Angers, de 1811 à 1835. Membre du conseil municipal de 1820 à 1826, puis maire-adjoint de 1826 à 1830, il fut à l’origine du renouveau de l’Académie d’Angers (fondée en 1685 puis dissoute en 1793) sous le nom de Société d’Agriculture, Sciences et Arts d’Angers, en 1828.

Théodore Pavie (1811-1896), fils cadet de Louis, parlait neuf langues et voyageait beaucoup. Auteur de nombreux articles dans la presse nationale littéraire et scientifique, éminent orientaliste, il siégea au Collège de France.

Victor Pavie (1808-1886), fils aîné de Louis, reprit l’imprimerie et la maison d’édition familiales. Disciple et ami très proche de Victor Hugo, il fréquenta les cénacles parisiens et défendit vivement le romantisme, alors naissant.

Le sculpteur angevin Pierre-Jean David, dit David d’Angers (1788-1856), obtint le prix de Rome en 1811 et installa son atelier à Paris, rue d’Assas, où il réalisa de nombreux monuments publics et portraits. Considéré comme membre de la famille Pavie, David d’Angers était un artiste engagé revendiquant un idéal républicain.

Guy Trigalot, Membre associé du CIRPaLL (UPRES EA 7457) - Université d’Angers - Président de l’Association des amis de Victor et Théodore Pavie
Maud Martin-Luneau, Responsable du Pôle actions éducatives et culturelles - Angers Patrimoine