Un gothique original

Un premier édifice roman

Située dans l'angle nord-est de la Cité gallo-romaine, la cathédrale est le siège de l'évêque d'Angers depuis le IVe siècle. Sa première mention remonte à 470 lors de son incendie par les Francs. L'église fut dédiée à saint Maurice au VIIIe siècle : on ne connaît rien de ses reconstructions successives jusqu'à celle opérée "depuis ses fondations" par l'évêque Hubert de Vendôme au début du XIe siècle. Les fouilles de Louis de Farcy, vers 1900, ont mis en évidence un édifice à nef unique. Une partie de la maçonnerie est encore visible dans la cour de l'ancien évêché. Après l'incendie de 1032, l'église est rétablie au milieu du XIe siècle.

Un siècle de reconstructions gothiques

Cet édifice surprend par ses proportions modestes par rapport à bien des cathédrales gothiques d'Ile-de-France. La reprise de la nef romane - surélevée et doublée à l'intérieur de grands arcs et de faisceaux de colonnes, et à l'extérieur de lourds contreforts - explique que le modèle de la nef unique demeure. L'épaisseur des murs permit d'aménager une coursière (passage) au niveau des grandes fenêtres jumelées. Sous l'évêque Normand de Doué (1149-1152) commença la construction de trois grandes voûtes bombées aux larges et puissantes ogives sur plan carré de vingtcinq mètres de hauteur : les premières de l'architecture gothique angevine. Le transept éclairé par deux grandes roses et le choeur restent l'oeuvre du grand évêque Guillaume de Beaumont. L'église fut achevée par l'abside vers 1250 après que l’on eut abattu le mur antique. L'arcature de la partie inférieure, les baies avec leurs statues au sommet des arcs brisés et les voûtes plus élevées et plus fines caractérisent cette dernière réalisation. La sculpture, de facture homogène, est limitée aux modillons (supports) de la corniche et aux chapiteaux composés de tiges en volute encadrant des feuilles d'acanthe peuplées de têtes dans la croisée.

Un repère dans la ville

Une façade achevée à la Renaissance


La façade assez étroite est encadrée de tours rectangulaires. Le premier niveau au décor d'arcature est percé, au centre, d'une grande fenêtre. Au XIIIe siècle, un vaste porche, détruit en 1807, était plaqué contre la façade. Le portail à statues-colonnes représentant des personnages de l'Ancien testament est inspiré de Chartres et dut être réalisé vers 1150- 1155. Bien que mutilé par la suppression d'un trumeau* et pourvu d'un linteau disgracieux au XVIIIe siècle, l'essentiel du tympan est conservé. On reconnaît un thème inspiré de l'Apocalypse, le Christ en gloire entouré des symboles des quatre évangélistes, dont la polychromie est bien visible aussi sur les voussures. La porte en bois possède encore des pentures en fer du XIIe siècle. Les deux grands clochers devaient être réunis par un pignon. Au début du XVIe siècle, d'importants travaux concernent la reconstruction des deux flèches octogonales. Un nouvel incendie en 1533 conduit l'architecte Jean de Lespine à réédifier une massive tour centrale avec un dôme à lanternon. À sa base, une grande galerie sculptée représentant saint Maurice et sept de ses compagnons date de 1537 (copies de 1909) est surmontée d'une prière pour la paix. À gauche du parvis, ancien cimetière paroissial, on a placé dans une niche du XVIIIe siècle, un calvaire réalisé par David d'Angers (1819).

Les chapelles et le cloître des chanoines

Jusqu'à la Révolution, trente chanoines étaient attachés à la cathédrale. De l'ensemble des bâtiments communs du chapitre Saint-Maurice, il ne reste que deux arcs, vestiges de la salle du chapitre et trois travées de la galerie orientale du cloître (XVe siècle) avec au-dessus une partie de l'ancienne bibliothèque. L'aile du cloître le long de la cathédrale était occupée par deux chapelles dont il ne subsiste que celle de Saint-Jean (fin XIVe siècle). Mais les deux plus importantes chapelles étaient celle de Sainte-Anne, abritant aujourd'hui le trésor, et surtout celle de Notre-Dame-de-Pitié au sud, qui servait d'église paroissiale. Celle-ci fut en grande partie tronquée au début du XIXe siècle : on y remarque encore deux nefs, l'une au nord du début du XIIIe siècle et l'autre au sud résultant d'agrandissements à la Renaissance.

Images de la vie des saints

Les vitraux

Le plus ancien vitrail conservé date approximativement de 1165 et représente l'Enfance du Christ (n° 1). À la fin du XIIe siècle, sous l'épiscopat de Raoul de Beaumont, de nouveaux vitraux furent refaits pour la nef, dont il reste le martyre de sainte Catherine d'Alexandrie (n° 2), la Dormition de la Vierge (n° 3) et le martyre de saint Vincent (n° 4), exemples remarquables de la peinture sur verre de cette époque. Le choeur possède plusieurs vitraux du XIIIe siècle comme celui de saint Jean- Baptiste (n° 12), certains commandés par l'évêque Guillaume de Beaumont comme l'attestent sa figure en donateur (Vie de saint Julien, n° 8) ou ses armoiries (Vie de saint Thomas Becket, n° 11). Cet ensemble n'est pas homogène et mêle vitraux du XIIe siècle (Vie de saint Martin, n° 9), verrières du XVIe siècle provenant du prieuré du Verger à Seiches-sur-le-Loir (n° 7 et 10) et oeuvres des années 1230-1235, créées pour le choeur et le transept. Ces vitraux témoignent de la vitalité du foyer artistique angevin à cette époque. À la suite d'un incendie en 1451, on commanda à André Robin des vitraux représentant des saints debout sous des dais architecturés (n° 6). Les deux roses (n° 5 et 13), également d'André Robin, comportent la figuration des signes de la fin des temps, une iconographie développée dans les manuscrits au milieu du XVe siècle, mais très rare dans le vitrail. En 1944, une partie des anciens vitraux, déjà très lacunaires au XIXe siècle, fut soufflée par une bombe. On confia la restauration dans les années cinquante au peintre verrier parisien Jacques Le Chevallier qui créa de nouveaux vitraux pour la nef représentant des saints vénérés dans le diocèse.

Les peintures murales

Les murs et les voûtes de Saint- Maurice étaient, à l’époque médiévale, entièrement couverts d’un décor intérieur peint. Badigeonnés à l’époque classique, ils furent dans la seconde moitié du XIXe siècle en grande partie décapés. Cependant, en 1980, derrière les boiseries du choeur, un cycle peint épargné fut découvert. Il se compose de scènes encadrées par des architectures peintes, sur des fonds alternativement rouges et verts, narrant l’histoire de saint Maurille, évêque d’Angers, ordonné prêtre par saint Martin. Ce cycle est l’un des plus importants connus en France pour la seconde moitié du XIIIe siècle. Les boiseries ne permettent pas actuellement de montrer ces peintures.

Un riche mobilier de la Contre-Réforme

Le mobilier (XVIIIe siècle - XIXe siècle)

Le mobilier de la cathédrale a une fonction liturgique ; il témoigne à la fois des traditions et des évolutions de l'Église à partir de la Contre- Réforme*. Ainsi le maître-autel, lieu de la présence eucharistique, occupe une position centrale à l'imitation des deux grands modèles, le baldaquin de Saint- Pierre de Rome et celui du Val-de- Grâce à Paris. La base et les colonnes sont en marbre tandis que la partie supérieure est en chêne. Deux autres autels occupent les extrémités des bras du transept : l'un consacré à la Vierge dans le bras nord et l'autre à saint Maurice dans le bras sud. Les boiseries du choeur datent du règne de Louis XVI. Près du maître-autel, se détache la cathèdre, siège de l'évêque. Enfin, les grandes orgues, qui se situent à l'entrée, comportent un buffet décoré dans le style Louis XV et soutenu par des atlantes* colossaux. À la fin du XIXe siècle, l'illustre Cavaillé-Coll retravailla le mécanisme de l'instrument, dotant ainsi la cathédrale d'un orgue romantique et symphonique. La chaire monumentale du XIXe siècle est l'oeuvre d'un prêtre angevin, l’abbé Choyer. Les sculptures s'articulent autour des thèmes de l'Église militante (terrestre) et de l'Église triomphante (céleste). Dans le choeur, une statue de sainte Cécile, patronne des musiciens, est l'oeuvre de David d'Angers. Elle rappelle l'importance dans la liturgie de la musique sacrée comme l'atteste la pratique du chant par la maîtrise de la cathédrale d'Angers depuis la fin du XIVesiècle.

Les tombeaux épiscopaux

L'usage d'inhumer les évêques dans la cathédrale s'établit au XIe-XIIe siècle. De cette première époque, on peut voir dans la nef les enfeus (niches funéraires) des évêques Raoul de Beaumont et Ulger: ce dernier conserve son exceptionnel parement en bois du XIIe siècle, encore revêtu en partie de lames de cuivre décorées de vernis brun. Victimes du vandalisme des âges, quelques tombeaux subsistent néanmoins dans le transept du côté du palais épiscopal. Ils présentent une remarquable évolution de l'art funéraire de l'époque gothique au XIXe siècle. Depuis deux siècles, les évêques sont inhumés dans un grand caveau au centre de la nef.

Un trésor remarquable

Le trésor

Il demeure l'un des plus riches de France. Rares sont les objets originels du trésor mais ils sont du plus haut intérêt : la baignoire antique comme l'urne de Cana (d'époque antique ou copie médiévale) furent pour leur part données par le roi René. Les fouilles des tombes des évêques dans la cathédrale ont permis de retrouver un mobilier liturgique médiéval. Au XIXe siècle, des objets anciens provenant des églises du diocèse furent rassemblés et complétés par une production contemporaine remarquable que l'on doit aux plus grands orfèvres français. En 2003, le général Beaussant a donné un remarquable retable en bois, peint vers les années 1480 par un artiste angevin dont on ne connaissait jusqu'alors que de très belles miniatures.

Les tapisseries du trésor

La cathédrale d'Angers possède le plus important trésor de tapisseries d'Europe. À côté de la tenture de l'Apocalypse, léguée à la cathédrale par le roi René en 1480, se trouvent aujourd'hui quatre vingt- dix pièces de tapisserie qui forment un véritable panorama de la production lissière des Flandres et de France du XVe au XVIIIe siècle. Ce trésor, reconstitué durant la seconde moitié du XIXe siècle, permet de maintenir la tradition séculaire de présentation des tapisseries dans les édifices religieux. Longtemps suspendues pour quelques fêtes annuelles, elles le sont désormais pour la saison estivale de la Saint-Jean à la Saint-Maurice. Ainsi, par roulement, une quinzaine de pièces orne les murs de la nef et du transept, respectant une logique liturgique.

Un palais roman

Le palais épiscopal

Accolé à la cathédrale, le palais épiscopal est un témoin majeur de l’architecture civile romane en France. Il fut édifié dans le second quart du XIIe siècle, principalement sous l’épiscopat d’Ulger. Cet évêque fut certainement inspiré par l’archevêché de Reims qu’il découvrit en 1131, à l’occasion du sacre du roi Louis VII. Il y reprit le plan en tau de la grande salle d’apparat qui évoquait la forme des premiers bâtons pastoraux. Cette prestigieuse salle synodale repose sur un niveau de service, selon une disposition fréquente des grandes demeures seigneuriales. L’inscription du lavabo (XIIIe siècle) situé à l’entrée originelle de la pièce, côté cathédrale, en rappelle toujours la destination : "Que viennent le clerc et le chevalier, ailleurs se tient le commun ; car le lieu supérieur convient à ceux-là, et le lieu le plus bas à ceux-ci". On y accédait par un escalier extérieur, remplacé au début de la Renaissance par le monumental escalier de Rohan, du nom de l’évêque qui le fit édifier après 1506. La salle basse (la mieux préservée) était destinée à la domesticité et aux hôtes modestes, à proximité des écuries (vestibule actuel, très restauré). Ce sont toujours de vastes espaces couverts de voûtes d’arêtes et rythmés de colonnes aux robustes chapiteaux végétaux. Lieu de représentation, la salle synodale* était primitivement couverte d’une charpente lambrissée. Elle est largement éclairée par une suite de grandes fenêtres dont les chapiteaux intérieurs, en partie authentiques, constituent un remarquable répertoire de la sculpture romane angevine. Dès les années 1850, de lourdes restaurations furent entreprises sous la direction de l’architecte diocésain Charles Joly- Leterme. Ces travaux concernèrent aussi les salons du premier étage, créés au XVIIe siècle dans l’aile nord. Durant ces derniers travaux, on s’attacha à rétablir décor sculpté, peinture décorative, pavement, vitraux, au plus près de ce que l’on pensait être l’état initial selon les conceptions médiévistes de l’époque.

  • Glossaire :

*Atlante : statue masculine formant support.
*Contre-Réforme : période de l’histoire de l’Église après 1563, en réaction contre le protestantisme.
*Salle synodale : salle servant aux synodes, assemblées ecclésiastiques.
*Trumeau : pilier central séparant un portail.

 

Olivier Biguet, conservateur du patrimoine, Ville d’Angers
Karine Boulanger, docteur en histoire de l’art
François Comte, archéologue, Ville d’Angers
Philippe Fertin, Association Ars et Fides - Présence de la cathédrale
Dominique Letellier-d'Espinose, chercheur service régional de l’Inventaire, DRAC des Pays de la Loire
Charles Rieux, Association Ars et Fides- Présence de la cathédrale
Etienne Vacquet, conservateur délégué, Antiquités et Objets d’Art de Maine-et-Loire

2002

Visitez la cathédrale Saint-Maurice

Place Monseigneur Chappoulie
Ouverte tous les jours de 8h à 20h,

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