Culture

La Ville mène des travaux dans l'église abbatiale du Ronceray, située au cœur de la Doutre. Objectif : permettre l'accueil permanent de concerts et d'expositions dans cet écrin du 11e siècle classé monument historique. Série "Angers rénove son patrimoine", épisode 1/4.

L'église abbatiale du Ronceray c'est un patrimoine précieux, caché au cœur de la Doutre. Ce chef d’œuvre de l'art roman est ouvert en de trop rares occasions depuis son acquisition par la Ville en 1998, pour des raisons de sécurité liées à l'état dégradé du site. Les Angevins les plus chanceux ont franchi ses portes pour les Journées du patrimoine ou des concerts d'Angers Pianopolis. Pour la prochaine édition du festival, aucun concert n'y est programmé. Et pour cause, l'abbatiale est en pleine rénovation pour envisager son ouverture permanente pour des concerts et des expositions : mise en accessibilité, création de sanitaires, éclairage, sonorisation… Le tout, sans faire l'impasse sur la mise en valeur de ce bâtiment classé monument historique depuis 1840, date à laquelle Prosper Mérimée établit la première liste du patrimoine. 

Entrer dans l'église abbatiale du Ronceray, c'est faire un voyage d'un millénaire. En 1028, le comte d'Anjou Foulques Nerra commandite la construction de l'abbaye pour y accueillir les filles de la noblesse, créant ainsi la seule abbaye de femmes de la ville. Deux siècles plus tard, Blanche de Castille lance un important programme de peintures murales dans l'église, conférant ainsi à l'abbaye le titre de royale, comme Fontevraud. L'église est remaniée plusieurs fois au fil des siècles puis laissée à l'abandon au départ des moniales à la Révolution. Le clocher s'effondre alors sur le chœur, laissant ainsi une partie de l'édifice à ciel ouvert. 

En 1815, l'école des Arts et Métiers s'installe dans l'abbaye qui commence alors une nouvelle page de son histoire. En témoignent les noms des étudiants de plusieurs générations gravés sur les parois et les piliers. Dans la tribune, on devine aussi un graffiti daté du 22 juin 1945 qui célèbre “le jour de la délivrance”. Ces témoignages de l'histoire angevine sont baignés par la lumière qui envahit la nef, une des plus grandes de son époque. 

Respecter les ajouts de l'histoire

“L'ouverture, c'est le maître-mot du projet”, résume François Jeanneau, architecte en chef des monuments historiques chargé de la rénovation de l'église du Ronceray. Par cette restauration, la Ville souhaite en effet rendre l'abbatiale accessible au public et l'ouvrir en grand sur la Doutre et sur la ville. “Derrière la porte sud, qui donne sur la place de la Laiterie, on crée un sas vitré. Quand le bâtiment sera ouvert, les passants de la rue Beaurepaire pourront voir le nouvel espace accueil ainsi que le transept et le chœur qui seront - pour le moment - conservés en l'état, avec les traces des siècles passés”, décrit l'architecte. Le portail et la cour pavée côté ouest, rue de la Censerie, seront eux sortis de leur état de délabrement. Des travaux qui s'élèvent à un million d'euros, avec la participation de l'État. 

“Rénover un lieu comme l'église abbatiale du Ronceray, cela exige de respecter le lieu et sa mémoire, en prenant en compte les différents ajouts de l'histoire, précise l'architecte. Les trois portails qui vont faire l'objet de restauration et qui viendront sublimer l'édifice datent respectivement du 17e siècle pour le portail sud, du 16e et du 19e pour le portail ouest.” Pour le maçon, par exemple, il est primordial de respecter l'aspect des pierres et recréer les moulures. On recrée aussi à l'identique le fronton et la niche qui surmontaient le portail du 16e siècle. Même enjeu pour le menuisier qui doit lui aussi naviguer entre les différentes époques pour recréer les trois portes mais aussi l'espace d'accueil contemporain. "Pour l'aménagement de l'accueil du public, le défi était de créer un espace esthétique mais qui ne trahisse pas le lieu. Le visiteur qui pénètre dans le transept doit voir du premier coup d'œil qu'il s'agit d'un nouvel ajout dans l'histoire de l'abbatiale", poursuit François Jeanneau. Un chapitre qui devrait s'ouvrir fin 2025, date à laquelle les Angevins pourront renouer avec l'abbatiale du Ronceray et écrire une nouvelle page de son histoire.

L’abbaye du Ronceray est un véritable joyau, classé "monument historique" dans le premier inventaire de 1840 dressé par Prosper Mérimée. Hors événements particuliers, il est fermé au public. Nous voulons rendre ce bâtiment aux Angevins.

Nicolas Dufetel, adjoint chargé de la Culture 
et du Patrimoine

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Un appel aux dons est en cours, via la Fondation du Patrimoine, pour contribuer à la rénovation des deux portails de l'église abbatiale du Ronceray.

En savoir plus sur la campagne de mécénat de l'abbaye du Ronceray

L'église abbatiale du Ronceray en images...

...et en musique

Le dispositif "Angers pousse le son" est fondé sur la rencontre entre le patrimoine et la création. Plusieurs prestations d'artistes de réputation nationale et internationale ont été enregistrés dans des lieux peu connus du patrimoine angevin, parmi lesquels l'abbaye du Ronceray.

"Accompagner les rénovations d’un vrai projet culturel"

3 questions à Nicolas Dufetel, adjoint chargé de la Culture et du Patrimoine

La Ville a engagé différents chantiers de rénovation sur des plusieurs sites majeurs du patrimoine angevin. Pourquoi cette ambition ?

C’est notre responsabilité, en tant que propriétaire de ces sites, d’en assurer l’entretien. Et si nous ne le faisons pas aujourd’hui, ce sera plus cher demain. Mais évidemment cela va plus loin que la simple remise en état. Ces rénovations s’accompagnent d’un vrai projet culturel pour valoriser ces lieux et les rendre visibles. Prenez par exemple la chapelle Saint-Jean et l’abbaye du Ronceray : ce sont de véritables joyaux, classés "monuments historiques" dans le premier inventaire de 1840 dressé par Prosper Mérimée, or ils restent largement méconnus. Et pour cause : hors événements particuliers, ils sont fermés au public. Nous voulons rendre ces bâtiments aux Angevins. C’est un vrai choix politique, surtout dans des temps budgétaires contraints. D’où également la volonté de solliciter des financements privés, par le biais du mécénat.

Vous parlez d’accompagner les rénovations d’un projet culturel qui permette d’animer ces lieux. C’est déjà en partie le cas. 

En effet, la volonté de lier culture et patrimoine est présente depuis le début du mandat. Des concerts ont été donnés dans la nef du Ronceray et, prochainement, le festival Angers Pianopolis permettra de mettre en valeur tout l’ensemble Saint-Jean : les greniers bien sûr, mais aussi le cloître, la cour et les jardins. Toutefois nous sommes aujourd’hui limités par l’état même des sites concernés. Pour l’abbaye du Ronceray, les commodités qui permettraient de l’ouvrir au public pour des visites ou des expositions sont aujourd’hui absentes. Si on parle du foyer du Grand-Théâtre, l’usure de son parquet, qui n’a jamais été rénové depuis sa pose il y a plus de 150 ans, rend impossible d’y organiser le moindre événement. Concernant la chapelle Saint-Jean, c'est son état général très dégradé qui interdit toute exploitation. Les contraintes sont variées selon les sites, mais toutes imposent d’importants travaux pour leur donner la place qu’ils méritent au sein du patrimoine angevin, qui est extrêmement riche. 

Ce patrimoine angevin, comment le définiriez-vous ?

Il se caractérise d’abord par sa diversité. L’art déco notamment y a toute sa place : on pense bien sûr à la Maison bleue, mais on peut citer aussi le quartier du Lutin, près de l’avenue Pasteur. L’art contemporain est aussi très présent. Les Kalouguine à Monplaisir en sont un belle illustration tout comme, dans le centre-ville, les galeries David-d’Angers et de l’Apocalypse, qui proposent de très beaux exemples d’ajouts contemporains sur des monuments classiques. Ce mix "contemporain-classique" illustre bien une problématique récurrente à l’entretien du patrimoine, à savoir trouver le bon équilibre entre préservation et évolution. Protéger le patrimoine ne doit pas conduire à mettre la ville sous cloche, mais à trouver des solutions qui fassent la synthèse entre respect du passé et aspirations d’aujourd’hui.