Publié le 08-04-2025
Culture
Publié le 08-04-2025
Culture
Au sein de l'ensemble Saint-Jean, chaque édifice est un émerveillement. Les greniers, le musée Jean-Lurçat et de la Tapisserie contemporaine, la cave avec les anciens pressoirs, le cloître, les jardins… Un des joyaux de cet ancien hôpital, construit au 12e siècle et classé monument historique, est resté à l'abri des regards depuis une vingtaine d'années, fermé au public. Il s'agit de la chapelle qui jouxte l'ancienne salle des malades, dans laquelle on admire aujourd'hui le Chant du monde de Jean Lurçat.
Le petit édifice possède pourtant de nombreux attraits. Ses deux nefs sont séparées par des colonnes élancées qui guident le regard vers les voûtes de type Plantagenêt. Deux anges majestueux, sculptés dans le chêne, soutiennent une imposante tribune. L'éclat des vitraux met en valeur les décors peints, la blancheur du tuffeau et la chaleur des boiseries. Alors pourquoi se priver de cette beauté ? "Le mortier des voûtes s'effrite et provoque des chutes de matière", explique Claire Dukers, architecte du patrimoine de l'agence POST. Elle est en charge des travaux menés par la Ville afin de donner aux Angevins la possibilité de redécouvrir le charme de cette chapelle, autrefois dédiée à la communauté religieuse et aux sacrements pour les malades. Les travaux sont estimés à plus de 2 millions d'euros. La tranche actuelle s'élevant à 775 000 euros devrait permettre à la chapelle de rejoindre le circuit de visite du musée Jean-Lurçat, en passant par le cloître.
Claire Dukers détaille une des raisons de la dégradation du bâtiment : "On a observé que la chapelle recevait de l'air chaud provenant d'une grille placée dans le mur commun avec la salle des malades. Ce système assèche l'air et entraîne l'effritement des mortiers. On est aussi dans un environnement assez humide à cause de la proximité d'une nappe phréatique et d'une source." Afin de mettre le monument à l'abri de nouveaux dégâts, la grille a été condamnée et d'importants travaux d'assainissement seront engagés.
En plus de ces opérations de sauvegarde, des diagnostics spécialisés ont été menés pour la remise en valeur de la chapelle. On cherche aussi à retracer les réaménagements opérés au 18e siècle, pour lesquels on ne dispose pas d'archive. "L'orientation de la chapelle a été modifiée à cette époque, avec la création d'un nouveau chœur le long de la façade Nord. On a constaté que les vitraux datés du 18e siècle -actuellement en restauration- ont été réalisés à partir de fragments des vitraux anciens, dont certains panneaux pourraient provenir des vitraux d'origine. On sait aussi que sous les badigeons des voûtes, il y a des couleurs à révéler, liste Claire Dukers avant de préciser. L'ensemble des décors peints est un important objet d'étude."
Des restaurateurs spécialisée en décors peints ont été missionnés afin d'étudier la stratigraphie des décors. "Cela signifie qu'on sonde les différentes couches de peinture pour les dater et retracer la chronologie des interventions et du lieu", explique-t-elle. C'est en sondant ces couches qu'un visage auréolé a été mis au jour sur le mur est, en grattant soigneusement le ciel étoilé d'une fresque du 17e siècle. Un comité scientifique est chargé de consigner ces découvertes, déterminer quels décors conserver et comment procéder à leur restauration.
La chapelle n'a pas fini de livrer ses mystères. En détachant les panneaux boisés en vue de leur restauration, de nouvelles peintures ont été dévoilées. D'autres surprises, atypiques mais pas inhabituelles, ont ponctué le chantier. Attirées par la quiétude des lieux, des chauves-souris pipistrelles ont trouvé refuge dans les fentes des voûtes. Des chauves-souris sérotines se sont cachées en ses murs pour passer l'hiver à l'abri. Et dans la charpente du 12e siècle, "de forte valeur patrimoine" selon les mots de l'architecte, un couple de chouettes hulottes a fait son nid.
Autant de découvertes inattendues qui amènent le chantier à s'adapter au fil des mois. L'histoire n'a peut-être pas fini de s'écrire. À l'automne, les archéologues du Département entameront un chantier de fouilles contre la façade nord, dans l'hypothèse d'y révéler une construction antérieure.
De 1874 à 1967, la chapelle, le cloître et la salle des malades accueillaient le musée archéologique de la Ville. Avant la restauration de la chapelle, une partie de la collection y demeurait encore, notamment des gisants médiévaux provenant de différents édifices d'Anjou. La chapelle faisait également office de lieu de stockage pour le musée Jean-Lurçat et de la Tapisserie contemporaine.
Le dispositif "Angers pousse le son", Ouvre une nouvelle fenêtre est fondé sur la rencontre entre le patrimoine et la création. Plusieurs prestations d'artistes de réputation nationale et internationale ont été enregistrés dans des lieux peu connus du patrimoine angevin, parmi lesquels la chapelle Saint-Jean. Au terme de sa restauration, la chapelle pourra accueillir des concerts en petite jauge et des expositions.