Publié le 11-02-2025
Culture
Publié le 11-02-2025
Culture
Au Moyen Âge, une charte désigne un acte provenant d’une autorité qui cède des biens ou prend une décision judiciaire. La charte d’Angers, enregistrée au Grand Conseil du roi le 7 mars 1475 et signée du roi Louis XI, crée la municipalité et désigne son premier maire : Guillaume de Cerisay.
De ce document fondateur de la mairie, il subsiste aujourd’hui deux exemplaires originaux en parchemin (c’est-à-dire une peau de mouton préparée) portant tous deux la signature de Louis XI (1461-1483). Ils étaient autrefois scellés de cire verte sur lacs de soie (cordon qui permet d’appendre les sceaux aux documents officiels) rouges et verts, symbole de validité perpétuelle. Ils sont visibles au Repaire urbain jusqu’au 7 juin, dans le cadre d’une exposition présentée à l’occasion du 550e anniversaire de leur signature.
Deux chartes, deux gardiennes
D’emblée, les archives municipales ont été tout logiquement les gardiennes de ces chartes. Ces deux exemplaires sont mentionnés en 1861 dans l’Inventaire des archives anciennes de la Ville d’Angers par Célestin Port, archiviste du département, qui les décrit "en mauvais état" et "jadis scellés".
À la fin du 19e siècle, l'un des deux exemplaires, moins abîmé par les rongeurs et encore doté en partie de deux de ses trois sceaux d’origine, a été exposé pendant 20 ou 30 ans à la mairie, "encadré dans le cabinet du Secrétariat" d’après le témoignage de ce même Célestin Port dans son célèbre Dictionnaire historique de Maine-et-Loire. En 1897, cet exemplaire a été confié à la Bibliothèque municipale : deux lieux de conservation permettaient de diviser les risques de perte.
Les restaurations
Pour exposer ces deux chartes originales côte à côte au Repaire urbain, à l’occasion des 550 ans de la création de la mairie, leur restauration était nécessaire. Les interventions se sont voulues précautionneuses et discrètes, conformément aux usages actuels : brossage délicat au pinceau chinois, gommage sélectif des zones sans texte, détente et assouplissement du parchemin grâce à une humidification contrôlée, mise à plat, consolidation des zones fragilisées par des doublages de papier japonais… ont prévalu sur les deux chartes.
La charte conservée aux Archives municipales avait été encadrée une première fois pour le 500e anniversaire de la charte, en 1975. Aucune restauration n’avait alors été faite, et une déchirure au bas du parchemin avait été maintenue par un simple adhésif... La restauration pratiquée par l’atelier spécialisé La Reliure du Limousin a été choisie la plus respectueuse et minimaliste possible, précise Sylvain Bertoldi, conservateur des Archives patrimoniales d'Angers, pour préserver les lacunes des documents et éviter une restauration "illusionniste".
L’exemplaire de la bibliothèque a nécessité quelques attentions supplémentaires. La mauvaise toile et les cartons de fond sur laquelle la charte avait été cousue au 19e siècle ont été déposés. Ce châssis acide et instable créait de multiples tensions qui déchiraient peu à peu le parchemin. A cette occasion, la restauratrice, Emmanuelle Couvert, a pu mettre en avant d’anciens pliages dus à la conservation et à la manipulation de cette si grande charte de 1,20m sur 0,7 m. Son travail a permis aux conservateurs de la bibliothèque de mieux apprécier la façon dont le petit sceau sur la marge latérale servait à authentifier le raccord entre les deux grandes feuilles de parchemin qui composent l’acte, soigneusement collées entre elles.
Enfin, la restauration était l’occasion de vérifier l’état du grand sceau appendu au bas de l’acte, caché dans une enveloppe cousue de parchemin qui laissait présager un fort mauvais état. De fait, au lieu de retrouver le grand sceau en majesté de Louis XI, sur une galette de cire verte de près de 11 cm de diamètre, ce sont 63 fragments de cire, dont 45 de moins de 1 cm, qui sont apparus à l’ouverture de l’enveloppe.
Et ce n’était pas la seule surprise : l’authentification des morceaux les plus importants a révélé qu’il ne s’agissait plus du sceau de Louis XI. Le directeur de la bibliothèque a pu identifier et reconnaître le sceau du roi Henri II (1547-1559) ! Le premier sceau a dû se casser, et ses débris se perdre au fil des consultations d’avant la Révolution, situation bien peu convenable pour exposer la charte à la mairie au 19e siècle ! C’est sans doute à se moment que furent cachées les miettes d’un sceau d’Henri II dans une enveloppe de parchemin, pour donner à la charte un aspect plus complet et plus médiéval !