Culture

Premiers Plans est de retour à Angers du 12 au 21 janvier, pour sa 30e édition. Au fil des ans le festival s'est imposé comme un passage incontournable pour les jeunes réalisateurs européens, par la notoriété de son palmarès mais aussi de ses Ateliers, fondés par Jeanne Moreau.

Premiers Plans, 30e prise! Du 12 au 21 janvier, l’édition 2018 marque un cap symbolique pour le festival angevin qui, depuis 1989, accueille chaque année une centaine de réalisateurs européens pour la présentation de leur premier film. Et à édition exceptionnelle, jury exceptionnel. A commencer par sa présidence, qui sera assurée cette année par Catherine Deneuve. Pour l’accompagner, les organisateurs ont fait appel à de jeunes réalisateurs ayant pour point commun d’avoir tous été révélés par Premiers Plans: Clément Cogitore, Tizza Covi, Valérie Donzelli, Guillaume Senez, Karim Moussaoui, Céline Devaux, Fyzal Boulifa.

Isabelle Huppert, Romain Duris, Sandrine Kiberlain...

Comme chaque année, de grands noms sont annoncés à Angers. Parmi ceux-ci: Romain Duris et Isabelle Huppert qui se partagent l’affiche dans le dernier film de Serge Bozon, Madame Hyde, qui sera présenté en ouverture du festival, le 12 janvier en présence du réalisateur. Du même auteur, il sera possible de revoir, dans la semaine, Tip Top sorti en 2013 et qui unit à l’écran Isabelle Huppert, encore, et Sandrine Kiberlain, également venue présenter son premier court métrage Bonne figure. Autre événement, mondial cette fois: la projection en avant-première de Cro man, le dernier-né du réalisateur britannique Nick Park, auteur du célèbre Wallace et Gromit, primé lui aussi pour la première fois à Angers au tout début du festival, en 1990, pour son film A grand day out

Rétrospective Pedro Almodovar

Parmi les rétrospectives marquantes de cette édition, celle consacrée à Pedro Almodovar permettra de revoir les pépites de sa longue filmographie comme Femmes au bord de la crise de nerf, Attache-moi ou encore Talons aiguilles. Si le réalisateur n’est pas confirmé à Angers, certains de ses collaborateurs le sont ainsi que l’une de ses actrices fétiches, Lola Duenas, vue dans Volver, Etreintes brisées puis Les Amants passagers

Les autres thèmes du festival permettront au public de découvrir ou redécouvrir l’univers des Monty Python, d’Agnès Varda... ainsi qu’une sélection de longs-métrages sur le thème "Drôles de familles" et la projection entre autres de Rocco et ses frères de Luchino Visconti (1960), Festen de Thomas Vinterberg (1998) ou encore Ma vie de Courgette, le récent film d’animation de Claude Barras (2016).   

Les amateurs de Premiers Plans seront heureux également d’assister aux lectures de scénario, la grande spécificité du festival angevin, qui permet d’entendre des scénarios pas encore tout à fait aboutis et auxquels de grands acteurs viennent prêter leur voix.  Cette année, Macha Méril, Léa Drucker, Ana Girardot ou encore Jérémie Elkaïm s’y attelleront.

Claude-Eric Poiroux, délégué général de Premiers Plans

"Chaque début d’année, Angers devient la capitale du jeune cinéma"

Quel est le point commun entre Patricia Mazuy, Danny Boyle, Xavier Beauvois, Abdelatif Kechiche, Paolo Sorrentino ou encore François Ozon?
Tous ont été découverts par le festival Premiers Plans d’Angers. Patricia Mazuy, c’était la première édition en 1989 avec son film Peaux de vaches et son actrice Sandrine Bonnaire. Le film s’est retrouvé à Cannes puis nominé aux César. En trente ans, la liste est longue. On peut citer Arnaud Desplechin, découvert avec son premier moyen-métrage, La Vie des Morts, et avec la lecture du scénario de La Sentinelle. Deux grands prix la même année, en 1991! Mais aussi Xavier Beauvois, Valérie Donzelli, le Belge Joachim Lafosse ou encore le Turc Nuri Bilge Ceylan...  

Quels sont les marqueurs du festival ?
Comme le disait notre fidèle marraine Jeanne Moreau, Premiers Plans c’est l’anti-Cannes. A Angers, on vient comme on est, pas de tapis rouge, tout le monde peut rencontrer tout le monde. D’ailleurs, le public y tient un rôle-clé, ainsi que les jeunes des écoles... Au-delà de la dimension cinéphile, c’est précisément sur cette envie de formation au cinéma et de transmission qu’est né le festival. A la différence de Cannes ou Berlin, nous ne montrons que des premiers films réalisés par des inconnus qui nous parlent d’eux-mêmes, de leur époque... C’est ça aussi qui plaît aux professionnels, acteurs, réalisateurs... Claude Chabrol et Catherine Deneuve, entre autres, me l’ont dit clairement: Angers, c’est l’occasion de voir ce qui se fait ailleurs, avec de nouveaux talents que l’on ne peut voir nulle part ailleurs.  

Depuis ses premières années, quels virages a pris le festival pour continuer de plaire à ce point au public?
Deux ans après son lancement, nous avons proposé des lectures publiques de scénario. Personne n’y croyait, pas même la Société des Auteurs qui, depuis, a revu son jugement (rires). Qui viendrait écouter des scénarii inconnus qui, par définition, sont une matière mouvante, jamais vraiment ficelée, aboutie? Pour intéresser le public, nous avons demandé à des grandes voix du cinéma de venir les lire. Le succès a été immédiat. André Dussollier a ainsi lu La Sentinelle: plus de trois heures de lecture, quel souvenir! Parmi nos fidèles lecteurs, on peut citer Hélène Vincent, Dominique Blanc, Denis Podalydès... Les lectures de scénarios sont devenues LE rendez-vous favori des festivaliers. On y a entendu pour la première fois Les Triplettes de Belleville de Sylvain Chomet, La Vie rêvée des anges d’Eric Zonca... et tant d’autres. 142 scénarios ont été lus depuis 1989 à Angers. C’est l’une de nos marques de fabrique.

Puis est arrivée Jeanne Moreau...
Jeanne adorait la ville d’Angers et est restée jusqu'au bout fidèle au festival. Elle n’aimait pas qu’on lui prête le titre de marraine car, disait-elle, elle venait pour y travailler, ce qui est tout à fait exact. On doit à sa persévérance les Ateliers Premiers Plans, qui réunissent chaque été des jeunes réalisateurs européens prêts à passer derrière la caméra et des réalisateurs aguerris. Les frères Dardenne ont été les premiers à y venir, en 2005, suivis d’Olivier Assayas, Jacques Doillon... Jusqu’en 2013, Jeanne a apporté toute son énergie et son amour du cinéma à ces jeunes. Elle passait son temps à leurs côtés du matin au soir, sans relâche. Grâce à elle, les Ateliers sont devenus une étape décisive dans l’émergence de nouveaux talents que l’on retrouve souvent à Cannes. Robin Campillo était à Angers cet été aux Ateliers, tout frais primé du Grand Prix de Cannes pour 120 battements par minute et lui-même passé par le festival Premiers Plans en 2005, à l’occasion de la lecture du scénario de son premier long-métrage, Les Revenants.

Le Festival Premiers Plans, ce sont aussi des rencontres, des ambiances...
Certaines rencontres ont été décisives. Je pense au duo que forment aujourd’hui Benoit Jacquot et le compositeur Bruno Coulais, qui ont signé Les Choristes. Ils se sont rencontrés au jury et collaborent depuis cette date. Premiers Plans a accueilli les plus grands compositeurs de musique de films. Ils sont presque tous venus à Angers, comme Philippe Sarde, Eric Neveux, Bruno Fontaine, Eric Demarsan ou encore le regretté Antoine Duhamel, auteur de la musique de Pierrot le fou.

Trente ans après le lancement du festival, diriez-vous qu’Angers est devenue une capitale du cinéma?
En tout cas, c’est un rendez-vous très couru: plus de 80000 spectateurs se sont rendus à la dernière édition. C’est vrai, chaque début d’année, Angers devient la capitale du jeune cinéma dans une belle ambiance, décontractée, joyeuse, conviviale. Les salles sont pleines, même pour découvrir des courts-métrages de jeunes réalisateurs inconnus qui abordent des sujets pas toujours très légers. Ils n’osent pas y croire quand ils découvrent 1300 spectateurs curieux et enthousiastes réunis dans la salle du Centre de congrès pour voir leur premier film, tout juste sorti du laboratoire. Ce festival a acquis une belle notoriété, c’est un repère de talents mais c’est aussi un lieu où on s’aventure chaque année sur des territoires inexplorés, avec des technologies nouvelles ou des audaces que seuls peuvent se permettre des débutants pas encore formatés.

Guillaume Senez

Guillaume Senez a participé aux Ateliers d’Angers en 2011 pour la préparation de son premier long-métrage, Keeper, qui obtient le premier prix du jury lors du festival 2016. Il est cette année membre du jury longs-métrages et prépare son deuxième film, Nos Batailles, avec Romain Duris.

"Ce fut une surprise et un honneur pour moi d’être sollicité pour rejoindre le jury des longs-métrages. Je suis très occupé par le montage de mon deuxième film, mais je ne peux rien refuser à Premiers Plans. Le festival a eu une grande importance dans mon lancement de carrière. D’abord en 2011, lorsque j’ai participé aux Ateliers pour mon premier long-métrage, Keeper. C’est toujours un moment compliqué pour un jeune réalisateur, et l’accompagnement que j’y ai reçu a été très précieux. Notamment grâce à Jeanne Moreau, qui en était la cheville ouvrière.

Et puis bien sûr il y a eu 2016, la sélection en compétition officielle et le premier prix du jury, remis par Arnaud Desplechin. Un moment inoubliable. Depuis, Keeper a reçu plusieurs prix, mais c’est toujours celui-là qui est mis en avant! Cela montre la reconnaissance acquise par Premiers Plans, auprès des professionnels comme des médias, au niveau européen.

Revenir comme membre du jury, ce sera une expérience formidable. D’abord bien sûr en tant que cinéphile, pour découvrir les films en compétition, mais aussi pour les rencontres et les échanges que cela va apporter. Surtout quand on sait que Catherine Deneuve sera notre présidente..."

Karim Moussaoui

C’est en habitué que Karim Moussaoui, qui préside cette année le jury des courts-métrages, revient cette année à Angers. Le réalisateur algérien rejoint chaque année les bords de Maine depuis 2014, à l’occasion du festival ou des Ateliers d’Angers.

"La présidence du jury des courts-métrages est une forme de suite logique, vis-à-vis de Premiers Plans. J’ai entendu parlé de l’événement en 2013, lorsque je travaillais à l’Institut français d’Alger. Je n’en connaissais pratiquement rien lorsque l’on m’a proposé de participer aux Ateliers d’Angers, en tant qu’auditeur libre. A vrai dire, j’étais un peu sceptique, je ne croyais pas trop à l’intérêt de ce type d’événement… mais j’ai été agréablement surpris par la qualité des films et des formations proposés. J’ai adoré aussi la ville, ça a été une vraie découverte.

Je suis revenu participer aux Ateliers pour soumettre le scénario de mon court-métrage, Les Jours d’avant. Les Ateliers sont un excellent moyen de travailler avec les scénaristes et les pros qui démarrent. Est-ce que mon intuition d’écriture est évidente, saisissable? J’ai eu des retours très précis, qui m’ont conforté dans mon idée. Je suis revenu présenter En Attendant les hirondelles, lors des derniers Ateliers d’Angers. Mais mon lien à Premiers Plans s’est aussi développé lors du festival en tant que tel, avec la présentation d’une sélection de films algériens. 

J’ai coutume de suivre les professionnels croisés lors de mes séjours sur Angers: je suis par exemple très content de retrouver cette année dans le jury Clément Cogitore, qui a développé Ni le ciel, Ni la terre aux ateliers et que j’avais programmé à l’Institut français d’Alger. Ce qui apparaît clairement aussi, c’est que la plupart des stagiaires que j’ai croisés ces dernières années à Angers ont réussi à faire leur film. Et ce n’est sans doute pas un hasard."

Jeanne Moreau et Angers : une longue histoire d'amour

Jeanne Moreau aimait arpenter les rues du centre-ville d’Angers. Elle y séjournait régulièrement, discrètement, et y avait même ses petites habitudes. Pas étonnant que l’association Premiers Plans et la Ville d’Angers aient l’envie de léguer son nom à l’actuelle rue Claveau, adresse du cinéma Les 400 Coups, là où tout a commencé.

C’est en 2003 que Jeanne Moreau préside le jury du festival. Elle ne le quittera plus. Au point de créer deux ans plus tard les Ateliers Premiers Plans. "Jeanne ne lâchait rien et avait en tête de créer une école de cinéma à Angers. Je me souviens parfaitement d’une visite improvisée, sur son insistance, un dimanche matin où nous avons vu le maire de l’époque arriver avec les clés des locaux de l’Université du Temps libre. Situés en coeur de ville, accessibles par le plateau piétonnier qu’elle affectionnait particulièrement, et désertés durant la période estivale, ils étaient tout indiqués pour héberger les Ateliers Premiers Plans. Banco, cela fait bientôt neuf ans que cela dure...", témoigne Claude-Eric Poiroux, délégué général et directeur artistique de Premiers Plans.

L’antichambre de Cannes....

Emanation directe du festival, les Ateliers regroupent chaque été, en août, une dizaine de jeunes réalisateurs européens prêts à passer derrière la caméra pour  leur premier long-métrage. Pour les encourager et les aider à aboutir leur projet, des réalisateurs aguerris s’y relaient dans le cadre de masterclass où il est question de scénario, de montage, de réalisation... Les frère Dardenne, Olivier Assayas, Jacques Doillon y sont venus, entre autres.

Aujourd’hui, les Ateliers d’Angers jouissent d’une réelle notoriété parmi la jeune génération de cinéastes. Dire qu’ils sont devenus parmi les passages les plus prisés de la jeune génération, voire même l’antichambre de Cannes... il n’y aurait qu’un pas tant les exemples se sont multipliés ces dernières années. Cet été, le réalisateur Robin Campillo, primé du Grand Prix de Cannes pour 120 battements par minute, en est une nouvelle illustration. Huit ans auparavant, il était lui-même révélé à Angers à l’occasion de la lecture du scénario de son premier long-métrage, Les Revenants.

"Ces Ateliers représentent assez bien la manière dont Jeanne Moreau s’est investie à Angers pour le cinéma et au profit de la transmission... Elle aimait ces Ateliers et les a animés avec une incroyable énergie du matin au soir jusqu’en 2013, sans jamais y déroger", témoigne Claude Eric Poiroux.

Hommage à Jeanne Moreau

Angers rendra hommage à sa plus grande marraine en présence notamment de son amie et réalisatrice Josée Dayan, auteure en 2001 de Cet amour-là, projeté durant le festival. Le seront également La Baie des anges, film de Jacques Demy tourné en 1963, et Plus tard tu comprendras d’Amos Gitaï, réalisé en 2008.

Rétrospective

Claude-Eric Poiroux, délégué général et fondateur du festival Premiers Plans en 1989, commente une sélection de photos qui témoignent de l’histoire du festival et de son identité.

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Du 12 au 21 janvier

Rendez-vous du 12 au 21 janvier, au centre de congrès, au Grand Théâtre, au multiplexe et au 400 Coups pour la 30e édition de Premiers Plans.

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80 000

c'est le nombre de festivaliers venus découvrir les premiers films, rétrospectives, lectures de scénario, assister aux rencontres et aux soirées lors de l'édition 2017 du festival Premiers Plans.