Plus résistante aux vagues successives d’urbanisation de par son statut, l’architecture de villégiature représente aujourd’hui 80 édifices, soit plus des trois-quarts du patrimoine rural conservé de la commune d’Angers.
A la différence des fermes et maisons rurales largement antérieures à la Révolution, elle couvre toutes les époques de manière égale, du XVe au XIXe siècle.
La distinction, juridique sous l’Ancien Régime, entre demeures nobles et bourgeoises est malaisée à reconnaître de nos jours, car elle repose sur des sources historiques qui ne sont plus toujours accessibles : l’existence d’un fief caractérise les premières, appelées manoirs aux XVe-XVIe siècles et pourvues de douves ou de fossés, d’une chapelle, d’un colombier… qui sont autant de prérogatives seigneuriales soumises à autorisation.
Mais ces parties constituantes ont rarement survécu et, si l’on voit toujours la chapelle du manoir du Grand-Nozay ou les fossés de celui de la Grande-Troussellière, l’un et l’autre de la Renaissance, la plupart des logis nobles ne se différencient guère aujourd’hui de ceux construits en campagne par des bourgeois d’Angers, ainsi la Corne-de-Cerf au Lac-de-Maine : la majorité de ces édifices se signalent, comme les hôtels urbains, par une tour d’escalier en évidence sur la façade principale, à l’image des manoirs de Haute-Folie (construit pour le roi René vers 1476), de Villechien, ou encore du logis de la Béjonnière. La présence de deux niveaux d’habitation sous l’étage de comble est également un élément discriminant, relativement aux fermes et maisons rurales contemporaines.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la taille des demeures est bien sûr un indice de leur notabilité, ce que confirment quelques sondages dans les archives disponibles. Par leur ampleur, la Grande-Fauconnerie, les Basses-Tranchandières, le Roquet ou la Mabillière, mieux encore le château d’Orgemont, constituent de véritables gentilhommières.
Mais à côté de ces quelques demeures aristocratiques, de nombreuses maisons de maître traduisant la prospérité de la bourgeoisie au XVIIIe siècle, adoptent un parti plus modeste, généralement à trois travées et porte centrée selon un modèle urbain, à l’image de la Maison-Blanche (plus ancienne, du XVIIe siècle), de la Grande Maître-Ecole, de la Fouchardière, de la Doucine, ou encore de la maison de Ballée….
Avec le XIXe siècle, les références juridiques n’ont plus cours, mais les distinctions sociales subsistent. La taille et l’aspect des demeures, la présence d’un parc, de communs, d’une ferme attenante, sont autant de paramètres significatifs au sein de la classe bourgeoise, entre petits châteaux, castels, maisons bourgeoises, villas… Des références architecturales, souvent néo-médiévales ou Renaissance, tour, échauguette, pavillon (castels du Verger, du Mélinais ou de la Petite-Demoisellerie), parfois classicisantes comme à la Grande-Flècherie, reflètent le niveau d’ambition de ces demeures.
A cette époque, les confusions de définition sont d’autant plus faciles que les apparences sont trompeuses : le «château» de la Grande-Flècherie ou celui du Verger s’inscrivent dans un vaste parc, mais l’habitation n’est qu’une grosse maison aux dispositions intérieures ordinaires. Autre particularité du XIXe siècle, la transformation en châteaux ou castels de demeures plus modestes d’époques antérieures : citons notamment le manoir du Pin, des XVe-XVIe siècles, fortement augmenté et modernisé en 1875-1877 pour Edouard Loriol de Barny, grand notable angevin et gendre du célèbre pépiniériste André Leroy ; ou encore le manoir du Bois-l’Abbé remontant au XVIe siècle mais rhabillé vers 1860 en style néo-gothique.
Rares sont les édifices qui ne traduisent pas une ambition nostalgique mais optent pour des partis plus modernes de villa : la plus ancienne, 40 rue de la Chambre-aux-Deniers, date de 1859 ; citons aussi, à la charnière des XIXe et XXe siècles, le n° 140 rue des Ponts-de-Cé et surtout la villa la Bonne-Brise (1909), 15 avenue Victor-Chatenay, qui s’inspirent de l’architecture balnéaire.
D’après le bâti conservé, les demeures des XVe-XVIe siècles sont principalement situées sur la rive est de la Maine. Un rééquilibrage des rives est observable aux XVIIe et XVIIIe siècles, le secteur accidenté et boisé du Lac-de-Maine constituant un lieu privilégié (une douzaine de gentilhommières et de maisons de maître).
Le XIXe siècle confirme cette évolution ; des sites de hauteurs sont alors particulièrement recherchés pour leurs vastes horizons : coteau nord du plateau des Capucins tourné sur la Mayenne et l’île Saint-Aubin pour les trois «châteaux» des Forges, du Verger ou de la Grande-Flècherie, crête de Frémur avec vue panoramique sur la vallée escarpée de la Maine pour la maison bourgeoise de «Beauregard», ou encore secteurs vallonnés de la Chalouère ouverts au nord vers le plateau de Monplaisir pour l’hôtel Oriolle et la maison bourgeoise voisine du Vaugareau.