Angers, l'entretien raisonné d'une ville végétale
Article de presse : Revue professionnelle Horticulture et paysage n°44 Avril 2013 : Interview de Fanny Maujean Directrice de la Direction Parcs Jardins et Paysages
Ancienne capitale de la province d’Anjou, Angers est une ville chargée d’histoire, qui dispose par ailleurs d’un patrimoine horticole conséquent. Entre tradition et modernité, ce « patrimoine vert » se caractérise par une grande diversité. Veillant au maintien de la qualité des espaces verts, la direction parcs, jardins et paysages, et sa directrice, Fanny Maujean, combinent leur savoir-faire aux enjeux économiques, écologiques, politiques, paysagers et techniques.
Chef-lieu du Maine-et-Loire, Angers est une ville de160 000 habitants qui bénéficie d’un environnement naturel d’exception, au cœur des Pays de la Loire.
La direction des parcs, jardins et paysages mutualisée gère un patrimoine de 550 ha d’espaces verts, de 110 000 arbres sur la ville d’Angers, de 283 ha de parcs, de 350 kms de sentiers sur l’agglomération.
Fanny Maujean, directrice, explique l’organisation particulière de la direction : « En 2010, la politique de mutualisation des services à conduit à fusionner la direction parcs, jardins et paysages de la ville d’Angers avec celle de l’agglomération, Angers Loire Métropole. Toutefois, les 32 communes de l’agglomération ont conservé leurs compétences propres pour les espaces verts. Nous gérons les espaces verts publics de la ville d’Angers, ainsi que cinq grands parcs d’intérêts communautaire et les espaces publics des zones d’activités industrielles et commerciales à intérêt communautaire ».
La Direction parcs, jardins et paysages
La direction emploie 234 permanents, parmi lesquels 200 interviennent sur le territoire de la ville, et 34 interviennent sur le territoire de l’agglomération.
« Pour la ville d’Angers, nous employons 100 jardiniers, et 20 pour l’agglomération » précise Fanny Maujean. « A ces effectifs, il faut aussi ajouter 10 apprentis et 10 CAE ». Pour l’entretien des espaces verts et naturels de la ville d’Angers, un budget annuel de 1.7 M d’euros, avec 90% des superficies entretenues en régie.
Les 10% restants sont externalisés pour 90% à des entreprises d’insertion. « La ville s’étend, mais nous ne pouvons pas recruter, donc nous devons externaliser certaines tâches » explique Fanny Maujean. « Nous veillons à conserver pour nos jardiniers les tâches pointues faisant appel à leur savoir-faire (gestion des espaces les plus riches en diversité végétale, nécessitant le plus de proximité et de réactivité, centralités de quartier, entretien des massifs de vivaces, d’annuelles). »
Techniques alternatives
Aujourd’hui, 72% de la surface des espaces verts de la ville d’Angers est en zéro phyto, (98% pour les parcs communautaires).
« Les 28% restants concernent des espaces exigeants comme les douves du Château, le Jardin du Mail, qui sont des jardins à la française, et ne souffrent d’aucun écart » explique Fanny Maujean.
« Nous considérons deux catégories de techniques alternatives ; les méthodes préventives d’une part, et les méthodes curatives d’autre part ». En ce qui concerne les méthodes préventives, le constat est tranché : « pour ne pas avoir à traiter, il ne faut pas laisser de place aux adventices » explique Fanny Maujean.
Les espaces « ouverts » sont donc « fermés » tant que possible pour ne pas que l’adventice puisse s’y développer : densité de plantation plus importante, paillage du sol, végétalisation d’espaces ouverts (comme les allées de cimetières). « Nous appelons cela « la transformation d’espaces » et cette dernière est nécessaire pour que les techniques alternatives ne présente pas de surcoût par rapport aux techniques d’entretien faisant appel au phytosanitaire » précise Fanny Maujean.
Chaque année, cette transformation nécessite un investissement pluriannuel de 70 000€ à 150 000€ pour 10 à 20 sites transformés. En ce qui concerne les méthodes curatives de désherbage, plusieurs pistes ont été explorées :
- Le désherbage à eau chaude après avoir été testé, a été abandonné car l’utilisation des machines « remplaçait une pollution par une autre » ;
- Le désherbage technique à la flamme est employé pour certaines surfaces, mais limité à de petite superficies, en raison là aussi de la pollution et du temps à passer ;
- Le désherbage mécanique par des lames fixées à l’arrière d’un tracteur fonctionne bien mais nécessite une reconfiguration de la constitution des allées, avec des granulométries fines en surfaces ;
- Le désherbage par balayage mécanique, et le désherbage manuel ont fait leurs preuves et sont régulièrement utilisés par les jardiniers pour les espaces qui n’ont pas encore été transformés ou ne peuvent pas être transformés.
Toutefois, au-delà des techniques alternatives, Fanny Maujean pose la question de la nécessité de l’intervention. « Nous avons classé nos espaces en trois niveaux de tolérance aux adventices, et communiquons sur l’acceptation de la flore spontanée ». Les techniques alternatives ont nécessité un investissement important. En 2012, la ville d’Angers a ainsi investi 20 000€ dans l’achat de matériel de désherbage. Parallèlement, le budget d’achat de produits phytosanitaires a diminué de 8 000€.
L’arbre en ville
A Angers, l’arbre est un élément de décor et de bien vivre, porteur d’une image naturelle, d’esthétique et de longévité. Le tilleul de square, le frêne qui borde l’eau et le zelkova du jardin des Plantes sont des fédérateurs du tissu urbain où ils jouent différents rôles. La direction parcs, jardins et paysages veille à diversifier la palette arborée, qui compte aujourd’hui 110 000 arbres appartenant à plus de 200 essences différentes, réparties dans 58 genres, parmi lesquels figurent, entre autre, des Platanus (18%), Acer (12.7%), Tilia (11.2%), Carpinus (8.4%), Quercus (7.6%), Liquidambar (4.7%), Robinia (4.6%), Prunus (3.5%), Gleditzia (3%), Fraxinus (3%) et Magnolia (2%). «
Aujourd’hui, nous avons atteint un vrai niveau d’expertise autour de l’arbre » explique Fanny Maujean. « Tous les arbres d’alignement plantés depuis 20 ans, le sont avec des mélanges terre-pierre, et nous assurons plus de 98% de reprise à la plantation ».
Pour l’entretien des arbres, une équipe spécialisée de 8 agents élagueurs/arboriculteurs intervient avec tout le matériel spécifique. « Certaines tâches ponctuelles sont externalisées comme certains abattages ou la taille en rideau ». Depuis 2005, les arbres ne reçoivent plus aucun traitement phytosanitaire. « Si la première année, nous avons procédé à des lâchers d’auxiliaires, nous végétalisons désormais les pieds d’arbres avec des mélanges de plantes mellifères qui abritent les insectes utiles. Par ailleurs, la diversité des essences présentes sur toute la ville permet une régulation des parasites » précise Fanny Maujean.
Une production variée
Pour son approvisionnement en végétaux, la Direction parcs, jardins et paysages s’appuie sur une auto-production importante. Le centre horticole assure la production de 450 variétés différentes de fleurs, et 800 variétés différentes d’arbustes.
Il compte deux unités de production :
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La pépinière municipale est située sur 4 ha, à Saint-Barthélemy-d’Anjou. Chaque année, 10 000 arbustes et 5 000 chrysanthèmes y sont produits, et 1 000 arbres, en conteneurs ou en pleine terre y sont conduits. Ces derniers viendront remplacer les arbres en fin de vie ou agrémenter les manifestations culturelles ;
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Les serres municipales sont situées dans le quartier des Justices et assurent la production des plantes herbacées servant au fleurissement. Chaque année, 300 000 annuelles, bisannuelles et vivaces y sont produites. Pour cela, 1 460m² de tunnels et 6 400m² de serres, disposant d’équipements de chauffage, de ferti-irrigation, et d’ordinateurs bioclimatiques sont nécessaires. Les serres sont chauffées par une chaudière bois, dont la source d’énergie provient du bois d’élagage ou d’abattage des arbres de la ville.
L’équipe de production florale est composée de 5 agents qui assurent toutes les étapes du cycle de culture : bouturage, semis, rempotage, soins, etc. l’équipe de la pépinière, de 3 agents, et l’équipe décoration, constituée de 4 agents, compose les bouquets et les ornementations agrémentant l’accueil du public en mairie, ainsi que les décors pour les 150 événements municipaux ou associatifs annuels.
Dans les serres municipales, des insectes auxiliaires qui se nourrissent des ravageurs sont introduits, comme les thryps, les mouches blanches, ou le chrysope, insecte polyphage de lutte contre les pucerons et les larves de cochenilles farineuses. Le maintien de ces auxiliaires locaux est favorisé par les haies entourant le site de production. Aussi, après chaque culture, du vinaigre blanc est appliqué dans les serres et les tunnels pour détruire les adventices annuelles qui s’y sont développés.