Le don vers 1140 d’un verger

aux portes de la Cité par Ulger, évêque d’Angers, à l’abbaye tourangelle de Marmoutier, est à l’origine de la fondation d’un petit prieuré. Baptisé du nom de Saint-Gilles-du-Verger, il était principalement destiné au logement des religieux de ce monastère étudiant à l’école épiscopale ou à l’université. De cet établissement médiéval ne subsiste que l’église, petit édifice de la taille d’une chapelle construite dans le troisième quart du XIIe siècle et consacrée à saint Eloi.

Du prieuré au temple protestant

En 1695, le petit séminaire, fondé quinze ans auparavant pour y accueillir les pensionnaires sans ressources, prit possession des lieux, en face du grand séminaire établi au logis Barrault. Un vaste bâtiment (actuel siège de l’Institut municipal) fut alors élevé en 1702 au chevet de la chapelle et, en 1705, une galerie toujours en place au-dessus de la rue du Musée assura la liaison intérieure des deux  établissements. Au milieu du XVIIIe siècle, l’évêque Jean de Vaugirault fit ajouter sur les voûtes de la chapelle une salle d’étude, comme le rappellent ses armes sur la façade correspondante, visibles depuis la rue. Puis le petit séminaire servit de prison à la Révolution et à divers usages, avant d’être affecté à l’Ecole des Beaux-Arts jusqu’en 1930. La chapelle Saint-Eloi en fut détachée bien auparavant car affectée au culte protestant dès 1849 (dédicace officielle en 1850 sous la présidence du pasteur Adolphe Monod).

L’architecture

 Pour cette nouvelle fonction, l’architecte de la ville, Charles Demoget, construisit en 1877 un portail d’entrée et un vestibule, dans  un style néo-roman. Une restauration intérieure fut menée en 1971, avec dégagement de la base des colonnes et rétablissement du sol
à son niveau d’origine, soit 1,80 m plus bas, que l’actuelle chaussée.

Les transformations extérieures

n’en rendent que plus surprenante, une fois franchi le seuil, la découverte du petit sanctuaire. Avec ses deux travées de plan carré et son petit choeur en hémicycle totalisant à peine 18 m de long, la chapelle Saint-Eloi est un témoin modeste mais bien représentatif  ses débuts du style Plantagenêt qui annoncent en Anjou le passage de l’architecture romane à l’architecture gothique. L’importante muralité et les baies en plein cintre fortement ébrasées appartiennent encore à l’univers roman ; de même, le volume intérieur assez trapu et la proportion cubique des travées. Autre tradition locale propre à cet art angevin, la rusticité extérieure des maçonneries de schiste enduit s’oppose à l’élégance de l’espace intérieur habillé de tuffeau et au caractère savant du décor sculpté. La nef était  probablement précédée d’un porche voûté. Ainsi s’expliqueraient les colonnes médiévales visibles dans l’actuel vestibule. Des désordres, probablement dus à la pression des voûtes, ont entraîné l’inclinaison des murs latéraux qu’il a fallu enrayer par de massifs contreforts. Les voûtes d’ogives elles-mêmes, parmi les premières expérimentées à Angers, furent reconstruites au XVe ou XVIe siècle sur les piles originelles, comme l’indique la forme prismatique des ogives et des arcs-doubleaux qui séparent les travées.

Les chapiteaux

Solidaires de leur support roman,

les chapiteaux appartiennent tous à la construction primitive et offrent une grande variété. Ceux de la nef sont consacrés au seul thème végétal, selon différents types. Dans la première travée, de larges feuilles plates s’ordonnent en de sobres variations, chargées de glands, de pommes de pin renversées, ou surmontées de boules saillantes qui préfigurent maladroitement les chapiteaux à crochets gothiques. Plus loin, les feuillages plus ou moins stylisés présentent des formes souples et allongées, aux nervures multiples. Dans la deuxième travée, un riche décor d’acanthes, sur deux ou trois registres superposés, dessine une véritable frise articulée sur l’ensemble de la pile, selon un parti fréquent en Anjou à cette période, à la cathédrale comme à l’église prieurale de Cunault. Les chapiteaux du choeur donnent une large place à la représentation : figures ou masques s’insèrent dans des réseaux
complexes de tiges et de feuilles stylisées. Caractéristique du passage entre roman et gothique, ce décor s’observe en maints endroits, comme au portail occidental de la cathédrale.

Deux chapiteaux sont particulièrement remarquables, de part et d’autre de l’entrée du choeur. Celui de gauche présente une composition symétrique formée de deux personnages affrontés et agenouillés, chacun portant un échassier sur l’épaule, dont les becs plongent dans un vase au centre de la corbeille. L’autre chapiteau en vis-à-vis, tout aussi  énigmatique, représente une scène de lutte entre plusieurs personnages, avec - à droite de la scène - un soldat armé d’une grosse pierre.
A signaler enfin deux petites figures au-dessous des chapiteaux de l’arc d’entrée du choeur : à gauche, saint Eloi probablement, muni d’une paire de tenailles - attribut habituel du saint patron des forgerons et des orfèvres -, et à droite, saint Gilles représenté en moine bénédictin et surmonté d’une représentation probable du prieuré.

Olivier Biguet, Conservateur du patrimoine, Ville d’Angers
Dominique Letellier-d'Espinose, Chercheur, service régional de l’Inventaire, DRAC des Pays de la Loire.

2004

Découvrez la chapelle Saint-Eloi (temple de l’Eglise réformée)

5, rue du Musée (en face du musée des Beaux-arts d’Angers)
Ouverture lors des Journées du patrimoine
Pendant l’année, visites commentées pour groupes/classes selon possibilités. 

 

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