Un projet immobilier audacieux

La Maison bleue qui doit son nom à un décor de mosaïque unique, l’un des plus beaux de France dans l’architecture privée, compte parmi les rares exemples d’architecture Art Déco à Angers. Construit de 1927 à 1929, cet immeuble est dû à l’initiative de Gabriel Crêtaux, homme d’affaires et directeur de l’hôtel d’Anjou, qui décide de réaliser une opération immobilière luxueuse à Angers.

Cet ensemble moderne aux prestations haut de gamme regroupe des boutiques au rez-de-chaussée et des appartements en copropriété dans les étages. Gabriel Crêtaux choisit l’architecte angevin Roger Jusserand pour mener ce chantier et le mosaïste Isidore Odorico remporte l’appel d’offre pour la partie décorative. Ils se connaissent déjà car ils ont collaboré au réaménagement de la salle des fêtes de l’hôtel d’Anjou.

Un chef-d’oeuvre de l’Art Déco

L'architecture


Le standing de cette opération immobilière requiert un emplacement privilégié : un terrain est négocié à l'angle du boulevard de Saumur - aujourd’hui boulevard Foch - et de la rue d'Alsace.

Roger Jusserand dessine un projet architectural inspiré à la fois des conceptions des architectes hygiénistes (auxquelles répondent l'immeuble à gradins et l’emploi de mosaïques) et du mouvement Art Déco célébré à l'exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925.

Il propose la construction d’un immeuble à gradins de 7 étages, le plus haut d'Angers, réalisé en béton armé et dont la structure - côté boulevard et rue d'Alsace - est intégralement recouverte de mosaïques. Sa façade est scandée de lignes verticales avec les bow-windows* et d'horizontales par les motifs de frises, plates ou plissées, les balustrades et les jardinières. L’alignement se décale aux cinquième et sixième étages laissant place à des terrasses qui dominent le boulevard.

Le style de la maison bleue

 

L’originalité de la Maison bleue réside dans sa partie décorative raffinée, la mosaïque. Celle-ci recouvre l’intégralité de la façade et s’adapte par son dessin à la composition de l’édifice. Le rez-de-chaussée réservé à l’accueil de boutiques est traité de manière sobre, dans les tons ocres jaunes en grès cérame, et de manière progressive des motifs de moellons, de faisceaux, de volutes dorées apparaissent en gradation pointilliste beige et bleue - avec des pâtes de verre, des émaux et des ors -, évoluant vers un bleu uni au dernier étage qui évoque le ciel.

Sa situation d'angle lui offre la possibilité d'aménager deux entrées indépendantes munies d’un escalier et d’un ascenseur. Les entrées de l'immeuble, aux couleurs bleu-violet soutenues et aux motifs de formes triangulaires, comportent des décors extérieurs assez différents du reste de la façade. L'intérieur des vestibules, plus sobre, dispose de lambris de losanges verts et noirs et de paillassons en damier gris et beige.

Un unique escalier dessert les niveaux, laissant les propriétaires et le personnel emprunter le même parcours. Toutefois deux portes d'entrée sont aménagées par appartement, l'une menant au "Grand Hall" et l'autre à la cuisine. Chaque appartement est équipé de sonnettes qui les relient aux chambres du personnel logé au septième étage.

Seul un appartement est décoré intégralement dans le style Art Déco. Il s'agit de l'appartement d’Albert Durand, entrepreneur de la Maison bleue. Conquis par le style Art Déco, ce dernier commande la décoration de l'un de ses appartements à Odorico. Orné de lambris noir habité de perroquets colorés, un petit dégagement donnant sur le vestibule accueille la clientèle et la mène vers le bureau. Une salle de bain bleue et or marque le point d’orgue de la décoration de l’appartement.  

Une technique maîtrisée: la mosaïque

Odorico, mosaïste


Isidore Odorico a remporté le chantier devant l'entreprise parisienne Gentil et Bourdet, présente à l'exposition des arts décoratifs de 1925. Son projet, au départ moins coûteux et plastiquement plus intéressant, évolue rapidement vers une création ambitieuse et moderne, celle qui consiste à recouvrir intégralement l'immeuble de mosaïque ! Agé d'à peine 35 ans, le créateur est le fils d'un immigré italien de la région du Frioul venu en France pour travailler à l'Opéra Garnier. Avec son frère Vincent, il vient de reprendre l'entreprise paternelle de Rennes. Isidore bénéficie par ailleurs d'une formation à l’école des Beaux-Arts qui lui permet de présenter aux clients de somptueuses maquettes aquarellées.

Odorico applique une technique de pose indirecte appelée " a rivoltatura " ou méthode " Facchina ". Cette technique consiste à morceler les motifs de décor tel un puzzle, par plaques de 50 x 50 cm. Elles sont recouvertes de tesselles de pâtes de verre, d’émaux taillés à la marteline* et collées à l’envers sur une feuille de papier kraft, stockées dans l’atelier et enfin posées sur place grâce à un travail précis de calepinage*.

La Maison bleue constitue un exemple majeur du style Art Déco. Elle marque un tournant dans la carrière d’Odorico qui ouvre dès 1932 une succursale à Angers.

La Maison bleue est protégée au titre des Monuments Historiques depuis 1998 (ISMH).

A Angers on peut découvrir d’autres réalisations d’Odorico :

  •  Le café “Les Caves” du Ralliement.
  • L’herboristerie, 36 rue Saint-Aubin.

En savoir plus

Renseignements