Un projet urbain du second empire

Situé sur la place du Ralliement, sur les cendres d’un premier édifice (détruit en 1865), le théâtre d’Angers constitue le monument emblématique de la ville haussmannienne.
Au cœur du renouvellement urbain engagé à partir du Second Empire, il fut choisi comme monument structurant d’une vaste place à vocation économique et culturelle rassemblant cafés, hôtels de voyageurs, poste et grands immeubles de rapport.

Le choix de l’architecte révèle le prestige du Paris impérial. Le maire fit appel à l’architecte Alphonse Botrel, candidat évincé par Charles Garnier à qui venait d’être confié le concours de l’Opéra dans la capitale. Victime d’un chantier difficile, l’architecte Botrel démissionna en 1869 et fut remplacé par Auguste Magne, confrère également parisien, spécialisé dans l’architecture de théâtre.

Il acheva l’édifice inauguré en 1871, tandis que les deux grands cafés qui l’encadraient, Café Gasnault à gauche, et Café de France à droite, furent confiés à l’architecte de la ville Alexandre Aïvas. L’édifice présente les dispositions habituelles des théâtres de cette époque : au revers du vestibule et du grand  place la salle de spectacle, puis la scène avec sa machinerie et sur les arrières, les loges des artistes et les parties administratives.

Une importante restauration en 1992-1994 permit la création d’une salle d’exposition de 400 m2 sous la salle de spectacle.

Un décor éclectique

La façade, entre France et Italie

Belle expression de l’éclectisme*, la façade s’inspire des grandes compositions françaises des XVIe et XVIIe siècles, fortement articulées et axées sur un avant-corps monumental : un parti très différent de celui de l’Opéra Garnier, dont la longue façade répétitive, plus usuelle pour ce type de programme, se réfère à l’Italie du XVIe siècle. Mais celle-ci n’est pas absente du théâtre d’Angers. En effet, la partie centrale évidée par des colonnes superposées (porche du vestibule et loggia du grand foyer), ou bien la fenêtre thermale en couronnement (fenêtre semi- circulaire recoupée par deux meneaux) nous renvoient à l’architecture d’Andrea Palladio, grand architecte de la Renaissance italienne. Cet avant-corps central est une reprise littérale de son projet pour l’opéra de Paris, qu’il disposait au milieu d’une large composition convexe (dessin conservé au musée d’Orsay). Cas remarquable de circulation d’un motif, l’avant-corps angevin sera fidèlement copié au théâtre de Fougères dont il constitue l’intégralité de la façade.

Pour le décor figuré, la municipalité imposa d’anciens élèves de David d’Angers, en hommage à ce grand sculpteur. Les quatre statues représentent la Poésie lyrique, la Tragédie, la Comédie et la Musique, cette dernière oeuvre due au plus renommé d’entre eux, Hippolyte Maindron. Les trois bustes du niveau supérieur figurent des compositeurs, Grétry, Méhul et Lully, tandis que deux groupes, la Musique, la Satire et le Drame à gauche, la Renommée, l’Éloquence et l’Histoire à droite, couronnent latéralement l’avant-corps central.
Enfin, dans le grand fronton sommital, deux génies encadrent les armes de la Ville.

La salle de spectacle

L’aménagement de la salle de spectacle et du grand foyer est dû à Auguste Magne. La salle pouvait accueillir jusqu’à 1 160 spectateurs (aujourd’hui d’une capacité de 728 places, ramenée à 628 pour les spectacles lyriques afin de favoriser une meilleure visibilité).

Son plan traditionnel, « en fer à cheval », prend pour modèle « la salle à l’italienne », conçue au XVIIIe siècle notamment au théâtre royal de Turin et diffusée ensuite dans toute l’Europe. Mais les balcons largement ouverts ont une disposition bien française, plus adaptée aux mondanités que les loges transalpines. L’élément majeur est la coupole peinte par Jules-Eugène Lenepveu, artiste angevin qui venait d’achever celle de l’opéra de Paris.

Le thème des quatre Éléments - l’Air, la Terre, l’Eau et le Feu - est symbolisé par autant de groupes mythologiques, l’apothéose d’Apollon, le triomphe de Bacchus, la toilette de Vénus et l’enlèvement de Proserpine. Ces forces naturelles qui régissent l’existence humaine constituaient une illustration idéale des passions représentées sur une scène de théâtre. L’artiste reprit ici la formule baroque de la perspective « aspirante », composition savante où chaque motif est une prouesse illusionniste.

Le grand foyer

Placé à l’étage noble des premiers balcons, le grand foyer est traité à la manière des galeries d’apparat qui agrémentaient les grandes demeures françaises du XVIIe siècle. Ici encore, l’effet se concentre dans la richesse du plafond peint et doré à caissons. Due au peintre parisien Alexis-Joseph Mazerolle, collaborateur de Magne au théâtre du Vaudeville, une coupole centrale reprend les thèmes des statues extérieures, la Danse remplaçant ici la Poésie lyrique.

Sur un fond resté inachevé, les quatre allé- gories sont traitées en grisaille, selon une manière sculpturale qui fait écho à la coupole de Lenepveu. Les voûtes latérales, consacrées à la Musique (à droite en entrant) et au Drame (à gauche), sont l’œuvre du peintre-décorateur angevin Jules Dauban. Ces compositions com- plexes mêlent représentations allégoriques et portraits. Les grandes périodes et les mouve- ments artistiques y sont célébrés, de l’Antiquité au Romantisme, ainsi que d’éminentes figures comme Mozart, Beethoven ou Rossini, Eschyle, Shakespeare ou Molière.

Découvrez le Grand Théâtre d’Angers

Place du Ralliement

Visitable lors des journées du patrimoine et des spectacles
(Salle de spectacles de 728 places et salle d’exposition)

Renseignements